La bataille autour des espaces d'expression et d'information s'annonce des plus rudes, parce que des plus décisives. Si, aujourd'hui, les capitaux privés algériens s'initient à ce domaine où les enjeux dépassent de loin les considérations de gain et d'audimat, les pouvoirs publics ne peuvent se permettre le luxe d'entériner un mutisme et une absence du paysage médiatique arabe et international. Plus qu'une stratégie, c'est d'abord et avant tout une question de survie. Dans les milieux de l'audiovisuel international et arabe, il est fait mention, ces derniers temps, de l'achat imminent de la chaîne d'information ANN, basée à Paris, par la branche bancaire du groupe algérien Khalifa. Les pourparlers entre le dissident syrien, Rifaât El-Assad, frère du défunt président, et les représentants de El Khalifa Bank vont bon train selon quelques indiscrétions. L'objectif de ce groupe privé algérien est de reconvertir cette chaîne d'information continue en un canal télévisuel plus généraliste, indique-t-on de même source. Cette information, bien qu'émise sous réserve, ne cadre pas moins avec la politique d'investissement tous azimuts du groupe Khalifa. Dans la foulée, le milliardaire algérien Djillali Mehri compte créer une chaîne de télévision à large diffusion par satellite et qui émettra à partir de Chypre. Par ailleurs, on ne peut s'empêcher de rapprocher ces informations de celle faisant état d'un projet de chaîne de TV plus proche des milieux officiels algériens, et où seraient impliqués, à concurrence de près de 20 millions de dollars, des capitaux algériens à l'étranger dans le cadre d'une logique d'association en vue d'un montage financier. Cette somme a été évaluée, apprend-on de source sûre, à partir d'une expertise ficelée récemment par des spécialistes de l'industrie audiovisuelle à la demande exclusive des autorités algériennes. Il est ainsi prévu que cette nouvelle chaîne aura son siège à Paris. Le choix de l'implantation dans la capitale française, révèle notre source, n'est pas fortuit. En effet, ce projet s'articule autour d'un rapprochement effectif avec l'aréopage intellectuel algérien vivant et travaillant en France et qui représente l'une des plus importantes concentrations de notre diaspora à l'étranger. En d'autres termes, la nouvelle chaîne, qui devra opérer des sauts qualitatifs conséquents pour faire face à la rude concurrence, devra, dans cet ordre des choses, miser sur les compétences algériennes trop marginalisées et pour ainsi dire, «mises au placard». Faut-il, dans cette optique, rappeler les noms de tous ces artistes, chanteurs, auteurs, dramaturges, universitaires, poètes, etc., qui ont fait leurs preuves outre-mer sans que cela ait eu d'incidences médiatiques ou autres, sur le pays d'origine, l'Algérie? Il faut ajouter à cela un autre argument fort, celui des trois millions d'Algériens qui vivent et résident en France, et dont l'engouement pour le made in bled en matière d'audiovisuel a déjà été démontré lors du lancement de la chaîne Canal Algérie. La communauté algérienne en France et dans d'autres pays à l'étranger, constitue une cible privilégiée pour les stratèges de la communication audiovisuelle de par le poids social qu'elle représente. M.Nacer Ketan, directeur de Beur FM, la radio communautaire bien connue, a, pour sa part, bien compris ces enjeux. Il compte lancer une chaîne de télévision communautaire. Même topo pour la BRTV, la télévision berbère qui émet de Paris, et qui brasse un important audimat de part et d'autre de la Méditerranée. En outre, les autorités algériennes sont conscientes des atouts disponibles, en termes de ressources humaines et de moyens technologiques. Sur le plan humain, la télévision et la radio algériennes, malgré les embûches bureaucratiques dans lesquelles elles s'enlisent, jouissent d'un potentiel important de journalistes, de techniciens et d'encadreurs de projets, qui la confortent aisément en vue d'une telle opération de lancement de la nouvelle chaîne. Et rien qu'à voir le nombre de journalistes de la télévision nationale qui ont été «dragués» pour des postes d'importance dans les staffs rédactionnels par des chaînes arabes internationales telles que MBC, Al Djazira, ANN, Art Arabe, etc., pour se rendre compte que l'Entv est un véritable vivier de talents. Les dernières nouvelles du boulevard des Martyrs évoquent la proposition juteuse faite par une télévision internationale à l'animateur Karim, de l'émission Daîrat Adhaou', à hauteur d'un salaire mensuel de 9000 dollars, que l'animateur a repoussée. On se souviendra également de l'offre faite à Hafid Derradji, refusée par le journaliste. Autant d'exemples pour illustrer que l'Entv reste une valeur sûre dans le paysage médiatique arabe. Quant aux atouts techniques, les opportunités qu'offre la technologie numérique favorisent les installations audiovisuelles de haute qualité avec un minimum d'engagement financier. Une technologie dont l'objectif, lorsque les moyens sont employés de manière rationnelle, est de remettre à niveau non seulement l'habillage et la qualité des programmes, mais aussi et surtout, l'image de tout un pays. C'est là un véritable défi. Le véritable défi.