Livrée à une misère éprouvante, la région de Boumerdès recèle pourtant des richesses inestimables. Campagne de proximité, rencontres avec les citoyens, visites dans les confins les plus reculés de la wilaya, Hachemi Djiar opère en profondeur. Tête de liste du Front de libération nationale (FLN) de la wilaya de Boumerdès pour les élections législatives du 17 mai prochain, M.Djiar ne cesse de multiplier meetings et réunions électorales. Avant-hier, il s'est rendu dans la commune de Chaâbet El Ameur, sise à 35km du chef-lieu de wilaya. En ce lundi, Chaâbet s'est réveillée trop tôt. C'est le jour du marché hebdomadaire. A 9h30, la petite ville accueillante, grouillait de monde. Pour y accéder, il fallait traverser le marché de bout en bout. La route accidentée, conjuguée à la foule compacte, rend l'accès des plus ardus. La délocalisation des arrêts de bus, il y a quelques mois, n'a rien changé à la situation. En hiver, il suffit d'une petite bruine pour que ce même chemin devienne impraticable. Si, pour les véhiculés, avancer parmi ce fourmillement s'avère pénible, trouver une place pour stationner devient un casse-tête chinois. La localité semble coupée du reste du pays. «C'est ici le bout du monde», lâche ironiquement, Yacine, un jeune vendeur de cigarettes. «Franchement, je ne sais pas si j'irai voter. Je crains fort que ces élections n'apporteront rien de nouveau» ajoute notre interlocuteur. A quelques pas de là, se trouve le siège de la permanence du FLN. Sur la façade donnant sur l'artère principale, les portraits des candidats aux élections législatives sont collés. Les dernières retouches effectuées, les militants attendent le tête de liste du FLN de la wilaya de Boumerdès, Hachemi Djiar. Il devait animer un meeting à 10h. Ils n'ont pas, en effet, à faire le pied de grue, car M.Djiar se présente 15 minutes plus tard. La foule commence à s'amasser devant la permanence du plus vieux parti. Vite, un cordon de sécurité est formé. M.Djiar effectue une visite éclair dans le local de la permanence du FLN sous les cris de la foule: «Djiar, FLN!; Djiar, FLN!; Djiar, FLN!». Quelques minutes plus tard, il en ressort. Direction la salle de spectacles de la Maison de jeunes de Chaâbet El Ameur, pas loin de la permanence du FLN. En traversant la rue principale, Hachemi Djiar a eu droit à un vrai bain de foule. Là aussi, les jeunes militants du parti, assistés par les éléments de la Bmpj, forment un cordon de sécurité. La foule va grandissante, à mesure qu'on avance. De temps à autre, M.Djiar s'arrête pour échanger quelques mots avec les commerçants de la ville. La foule ne cesse de scander: «Yahia Djiar! Vive Djiar! Vive le FLN!». Les jeunes militants lancent leurs cris à tue-tête, tandis que les vieux se contentent de suivre lentement. Arrivé enfin à la salle de spectacle, Hachemi Djiar prend place, faisant face à une foule compacte. Les sièges sont vite squattés. Tout l'espace est occupé. Il a fallu du temps aux jeunes de l'Union de la jeunesse algérienne (Unja), pour mettre fin au tohu-bohu régnant parmi l'attroupement. C'est difficile, mais pas impossible Après une brève allocution prononcée par Ahmed Ouchène, représentant du FLN à Chaâbet El Ameur, c'est au tour de M.Djiar de prendre la parole. Ce dernier annonce la couleur. L'histoire de la Kabylie est passée en revue. Celle du FLN aussi. «Cette région a donné les meilleurs de ses enfants à la patrie. On ne peut pas oublier le colonel Ouamrane de Draâ El Mizan, le colonel Krim Belkacem de Oued Ksari, Moh Ennachid...». Hachemi Djiar sait de quoi il parle. D'autant plus qu'il a occupé plusieurs postes de responsabilité dans la wilaya de Tizi Ouzou, lorsque Chaâbet était placée sous la tutelle de cette wilaya. «C'était l'époque où l'Algérie était le fleuron du grand Maghreb. C'était l'époque où ni l'Espagne ni l'Italie ne pouvaient concurrencer l'Algérie» estime l'orateur. «Cette notoriété a été acquise grâce aux efforts titanesques consentis par le FLN», ajoute M.Djiar. A ce moment, un vieillard, les larmes aux yeux, se lève et scande à qui veut l'entendre: «Vive le FLN!» et à la foule de répondre: «Yahia Djiar!». En dépit de ces réalisations, Hachemi Djiar affirme ne pas ignorer les erreurs commises par le Front de libération nationale. «Il est vrai que les dirigeants avaient commis des erreurs, mais nul n'est parfait. Seuls ceux qui ne font rien, ne se trompent pas. Et ces gens-là, nous n'avons pas besoin d'eux. Le pays a besoin de citoyens qui se mettent, consciencieusement, à son service et non pas des bras cassés qui ne visent qu'à lui nuire!» s'écria l'orateur. «Les gens ont la mémoire courte» insiste M.Djiar avant d'ajouter: «se rappelle-t-on aujourd'hui que c'est sous la direction de notre parti que l'université Oued Aïssi de Tizi Ouzou a été construite en un temps record de six mois? Souvenez-vous, c'était en 1977». L'orateur passe en revue plusieurs autres projets réalisés lors du règne du FLN. «Mais comme cette époque est lointaine! Aujourd'hui, l'Algérie est à la traîne. La tragédie nationale a tout rasé. Il nous faut reprendre le train du développement. Et ce n'est pas facile! Ce n'est pas facile, mais ce n'est tout de même pas impossible! Il nous faut juste du temps!» La tragédie nationale? Les Chabétois, eux, en connaissent un bout. La localité, tout comme l'ensemble de la wilaya de Boumerdès, a été rudement touchée par les années de braise. Les Chabétois ont la mémoire fraîche. Ici, on se rappelle très bien des cadavres retrouvés le matin au bord de la route, gisant dans une mare de sang. On se souvient aussi des faux barrages qui se dressaient fréquemment au niveau de l'axe reliant Issers- Chaâbet-Tizi Gheniff. Néanmoins, la mobilisation des citoyens, en formant des groupes de légitime défense, aux côtés de l'ANP et des différents autres corps de sécurité a fini par avoir raison des groupes armés en les repoussant jusque dans leurs derniers retranchements. Finie cette période sombre de l'histoire de cette région. Finie la terreur. Finis les larmes et le sang. Et maintenant que reste-t-il une fois la paix rétablie? «Il nous faut reconstruire le pays», insista Hachemi Djiar. Toutefois, la construction d'une wilaya telle que celle de Boumerdès, doublement touchée aussi bien par la tragédie nationale que par le séisme du 21 mai 2003, n'est pas chose aisée. Chaâbet se souvient A ce constat, on ajoute le chômage qui touche près de 30% de la population. «A Corso, l'usine des pâtes alimentaires est fermée; plus de 1000 employés sont jetés dehors. Il faut la reprendre», déclare Hachemi Djiar. L'orateur n'a, en outre, pas oublié de souligner la vocation agricole de la région. En effet, la commune de Chaâbet El Ameur est une région qui recèle des richesses inestimables. Aujourd'hui, pour peu qu'on donne les moyens nécessaires aux jeunes pour cultiver l'immense étendue des plaines restées en jachère, la région peut répondre à la demande de la wilaya de Boumerdès, en fruits et légumes. Elle peut même satisfaire la demande des wilayas limitrophes, à l'instar de Tizi Ouzou et de Bouira. Tandis que Hachemi Djiar exhortait la foule à se rendre massivement aux urnes, un jeune se lève et crie: «Pourquoi voter? Qu'avez-vous fait pour nous? Qu'allez-vous faire? Où est l'argent du pétrole...?». Avant même qu'il ne termine, les militants du plus vieux parti tentent de lui couper la parole en scandant: «Vive le FLN! Vive le FLN! Vive le FLN!». Mais Djiar demande à la foule de laisser le jeune s'exprimer. «C'est votre droit de parler. Je ne suis pas ici pour faire passer uniquement mes idées, mais aussi pour vous écouter. Je suis là pour transmettre vos doléances». La salle reprend ses esprits. Le calme revient. Et à l'orateur de poursuivre: «Il faut du temps pour construire un pays. Actuellement, il y a plus de 40 000 projets sur l'ensemble du territoire national. La wilaya de Boumerdès a aussi sa part. Pour le pétrole, sachez que nous sommes obligés de chercher une autre ressource, car dans quelques années il n'y aura plus de pétrole!» A la fin du meeting, quelques jeunes s'approchent de Hachemi Djiar et lui transmettent un courrier. Il s'agit, en effet, des jeunes sportifs demandant une salle de sport. On sort de la salle comme on y est entré: difficilement. A l'extérieur, des jeunes nous interpellent en nous demandant: «N'oubliez pas d'écrire que nous sommes les derniers de l'Algérie. N'oubliez pas, s'il vous plait, de mentionner que le chômage ne cesse de nous grignoter. Nous espérons seulement que vous puissiez l'écrire. Ça nous fera peut-être du bien, car nous savons qu'à travers vos écrits, nos voix peuvent être entendues.» Après cette localité, le candidat FLN de la wilaya de Boumerdès, pour les échéances électorales prochaines, s'est rendu à Bordj Menaïel. En cours de route, Hachemi Djiar n'a pas omis de marquer une pause chez les sinistrés du séisme du 21 mai 2003, logés dans des chalets juste à l'entrée des Issers. «Je ne vous promets pas qu'après le 17 mai, votre problème sera réglé. Je ne suis pas de ces gens-là, néanmoins je vous promets de transmettre vos doléances et à faire en sorte que vous quitteriez ces lieux» rassure M.Djiar à la foule qui s'est amassée autour de lui.