Quel sacrilège! Le portrait de Yasser Arafat, le plus grand héros arabe de la fin du siècle dernier, piétiné, sali, brisé, souillé à Ghaza par des Palestiniens qui l'avaient adulé par milliers. On a assassiné, virtuellement, plus de trois ans après qu'on l'eût enterré, le père de la Révolution palestinienne. C'est un crime de lèse-majesté. Ce sont des images insoutenables que nous avons suivies à la télévision, montrant des commandos du Hamas à l'assaut des bâtiments officiels tenus pas les services de sécurité, renversant tout sur leur passage, mitraillant portes et bureaux comme s'il s'agissait d'une caserne israélienne à prendre à Tel-Aviv ou Haïfa. Des images hideuses. Morbides. Des commandos en vernis qui jouent aux «guerriers» jetant le ridicule sur leurs prisonniers, autrefois des compagnons d'armes du Fatah, des voisins quand ce ne sont pas des cousins germains, les faisant sortir en rangs d'oignons, désarmés, dévêtus, en maillots de corps et en...caleçons. Dans d'autres quartiers de la ville, la razzia se poursuit. On tue. On brûle. On vole. La seconde image est aussi révoltante. Odieuse. Des «guerriers» islamistes d'Ismaïl Haniyeh, se prosternant devant la prise du bâtiment abritant les services officiels de la présidence de Mahmoud Abbas, pour remercier Allah de sa Grande Miséricorde. Combien on aurait souhaité qu'ils accomplissent cette prière pour remercier Le Tout-Puissant de ses bienfaits, après un glorieux fait d'armes annonçant la libération d'El Qods, ce troisième haut Lieu Saint de l'Islam. Ensuite, c'est le siège central des forces de sécurité qu'on fait exploser à la dynamite sous les applaudissements des badauds. Mais combien a coûté ce bâtiment? Qui l'a financé? C'est de l'argent arabe qui part en fumée. Le vôtre et le mien. Et pour couronner le tout, la dissidence consacrée par la fitna, sous les projecteurs des caméras des télévisions du monde, finit par donner naissance à un «Hamasland». Ghaza l'islamiste, la ville mythique de Cheikh Yassine, se bunkérise. Désormais, il flotte sur la Palestine l'odeur fétide d'une guerre civile. Un complot comme on n'en a jamais vu, au cours de ces vingt-cinq dernières années, même au pire moment des divergences entre le Fplp, le Fdlp, le Fatah et l'organisation d'Abou Nidal. Aujourd'hui, entre le Hamas et le Fatah, il y a un océan de haine et de rancune que ni la médiation des Saoudiens, ni leur argent, ni leur influence morale ou religieuse n'ont pu surmonter. L'exécuteur de cette basse besogne a un nom: Ismaïl Haniyeh. Mais le cerveau se trouve ailleurs. Avec ses kamikazes, il croit disposer d'une arme de destruction massive. La folie des hommes n'a point de limites. Haniyeh reproche à la direction de l'OLP d'être devenue une caste de dirigeants corrompus, autistes face à la misère sociale. Un thème vendeur qui provoque, à lui seul, tous les ralliements des laissés-pour-compte. C'est à un véritable parcours chaotique que veulent initier, maintenant, les islamistes palestiniens, leur peuple, pour prendre le pouvoir. A quel prix? Voir Haniyeh installé au pouvoir à la Mouquataâ, à Ramallah, c'est la peste plus le choléra! Le «coup de Ghaza» n'est pas parti sur une saute d'humeur. C'est un complot bien charpenté, mis au point par les services iraniens pour desserrer l'étau sur Téhéran coincé dans son bras de fer avec Washington dans l'affaire du nucléaire, que pour soulager le régime de Damas interpellé par le Conseil de sécurité dans l'assassinat de Rafic Hariri. C'est à Téhéran que se trouve le cerveau de ce complot. Irak, Liban, Palestine constituent le champ clos de la rivalité irano-américaine dans la région. Irak: les chiites qui font la guerre aux sunnites sont passés à un nouveau stade dans la violence à l'intérieur du pays. Aux sinistres massacres des escadrons de la mort, placés sous la férule du très officiel Nouri El Maliki, succèdent, sans coup férir, les attaques contre les mosquées sunnites que l'on piège à coups de bâtons de dynamite. Ahmadinejad joue à fond la carte de l'enlisement des troupes américaines en Irak. Il rêve d'entraîner dans ce guet-apens, George Bush. D'autres contre-feux vont être allumés dans cette «stratégie de feu de Bengale». Liban: la bataille de Nahr El Bared touche à son quinzième jour. Les pertes de l'armée libanaise avoisinent la centaine de soldats. Mais qui est donc ce Fatah El Islami? Une organisation de Palestiniens d'essence islamiste, armée et financée par Téhéran via Damas. Comme si la bataille autour de ce camp de réfugiés palestiniens ne suffisait pas, voilà que les sbires des mollahs iraniens et des moukhabarate syriennes «descendent» un député libanais et son fils, proches de Hariri. La fournaise libanaise est en ébullition et on ressort les couteaux remisés aux placards. Ghaza: le feu a vite pris dans la maison Palestine. Il n'y a pas de secret ni de mystère qui ne puisse expliquer cette soudaine flambée de violence. Hamas agit ici aussi pour le compte de Téhéran. Lors de son voyage iranien, le chef islamiste a reçu un accueil exceptionnel. A son retour en Palestine, il a remporté un pactole mirifique qui se chiffre en millions de dollars. Comme dit l'adage: «Qui paie le violon, commande la musique.» Irak, Liban et Palestine: trois points chauds pour paralyser, pour un temps, le Conseil de sécurité, la Maison-Blanche, l'Union européenne, la Ligue arabe et les autres capitales du monde intéressées par ce conflit qui exhale de forts relents de manoeuvres dilatoires afin de donner de l'«oxygène» à Damas et lui faire oublier les soucis du Tribunal international chargé de juger l'assassinat de Rafic Hariri. L'escalade de la violence, qui fait flamber le Proche-Orient, obéit à une stratégie de diversion. Elle porte la marque de fabrique d'Ahmadinejad qui vient ainsi rallonger la liste des apôtres de la terreur. Attention, Téhéran veut prouver au monde qu'il dispose de capacité de nuisance aussi destructrice que la bombe atomique qu'il est en train de mettre au point. Les Arabes ne sont que de la chair à canon.