Le FCE et le Medef proche de Sarkozy, vont se rencontrer à Paris. S'agit-il de chasser, dès maintenant, les «ennuis» d'ordre politique? Il a fallu attendre une heure pour que le conférencier arrive. Une autre heure plus tard, le message de Réda Hamiani est, enfin, clair. Le point de presse du président du FCE, tenu, hier à Alger, intervient deux jours avant la rencontre, à Paris, les 27 et 28 juin, entre le Forum des chefs d'entreprises algérien et le Medef. En toile de fond figure l'ombre de la visite de Nicolas Sarkozy à Alger, prévue début juillet. Les hommes d'affaires algériens comptent, tout d'abord, mener la bataille économique sur le sol français. C'est-à-dire avant que les «ennuis» d'ordre politique atterrissent à Alger. «Il faut dépasser le discours officiel et plaider pour un rapprochement effectif sur le plan économique», a déclaré Réda Hamiani, annonçant ainsi clairement la couleur. Economiquement, le discours de l'homme d'affaires est logique. Néanmoins, en Algérie, l'économie est l'otage du politique, tandis qu'en France, le politique n'incite pas le patron à venir investir en Algérie. D'ailleurs, le volume des investissements français en Algérie ne dépasse pas les 400 millions d'euros. Une statistique très insignifiante. Pis, les Français n'ont pu créer plus de 200 entreprises en Algérie, tandis qu'au Maroc, le chiffre flirte avec la barre des 1000 entreprises. L'écart est de taille. «Il faut tenter de construire un nouveau modèle économique avec la France, loin des sensibilités politiques et à l'écart des vicissitudes et les aléas politiques», souligna, également, le président du FCE. Ce n'est pas un projet facile, même si celui-ci tient bien la route. Il faut, cependant, tirer d'abord l'économie algérienne des geôles politiques et guérir les politiques et économistes français de leur «allergie à l'Algérie». Réda Hamiani use même d'un langage, à la fois, diplomatique et économique. C'est-à-dire «tenir à une logique de gagnant-gagnant». Les patrons algériens veulent encore aller plus loin. Le président du FCE compte solliciter le Medef pour un appui aux fins de réussir l'adhésion de l'Algérie à l'OMC. Un échec que nos politiques ne veulent pas assumer. Car, loin des salons feutrés de l'Organisation mondiale du commerce, l'éventuel échec se situe aussi sur le terrain. Au tableau de bord, une productivité en état de stagnation, un taux d'utilisation des capacités des plus faibles, une croissance très médiocre en comparaison avec les ressources financières injectées. A cela s'ajoute un niveau des plus bas en matière d'exportations hors hydrocarbures. Le taux de création d'entreprises est négligeable, soit 70 pour 100.000 habitants, alors que des pays touchent la barre des 300 entreprises pour la même proportion d'habitants. Que peut faire le Medef français dans cet état de fait? Après quoi encore le Forum des chefs d'entreprises compte saisir aussi ce regroupement économique pour soigner, en France, l'image d'une Algérie «malmenée» par le terrorisme? Il a fallu investir dans ce domaine avant de passer à l'étape du Medef. Car, bon gré, mal gré, la frilosité et les réticences des investisseurs français sont celles aussi du Medef. Réda Hamiani croit qu'il existe une sorte de «persistance internationale sur une Algérie de terrorisme». D'ou la nécessité de relooker, tout d'abord, cette façade «avec le concours du Medef». Est-ce un bon choix? Autrement, le Medef, proche de Nicolas Sarkozy, est-il prêt à s'adonner à une telle opération? Et dire que cette même organisation patronale n'a cessé de réclamer la stabilité politique, un Etat de droit et un environnement des affaires pour venir investir en Algérie. Ça sent la contradiction. Nicolas Sarkozy devra arriver à Alger début juillet. Il est l'enfant chouchouté du Medef. En négociant à Paris avec cette organisation, quelques jours avant l'arrivée de Sarkozy, le FCE ne veut-il pas peser indirectement sur le président français? Il y a bel et bien une volonté de tourner le dos aux sensibilités politiques, mais de quelle manière? Ni Hamid Temmar, encore moins les diplomates algériens, n'ont été en mesure de tourner cette page. Et arrive le FCE qui s'investit dans la mission de jouer l'intermédiaire et occuper la zone comprise entre le monde macroéconomique (décisions politiques) et leur expression sur le terrain. Y a-t-il un accord tacite entre nos politiques et les patrons pour le partage de cette tâche? Si non, ce seront, sans l'ombre d'un doute, des remous qui se préparent.