Avec ce projet, la majorité des petits et pauvres pays de notre continent seront mis devant le fait accompli. Le comité exécutif de la CAF, réuni à Alger à l'occasion des Jeux africains, a entériné un projet de création d'une Coupe d'Afrique des nations. Une CAN bis. Ce sera une nouvelle compétition, mais réservée exclusivement aux joueurs évoluant dans les championnats locaux du continent. Avec cette décision, l'instance africaine reconnaît et admet implicitement l'existence de deux pratiques compétitives. Il y aura donc bientôt deux CAN. Leurs composantes seront différentes, bien que la majorité des joueurs soit issue d'un même cru. L'actuelle CAN continuera, cependant, d'exister. Elle sera ouverte aux joueurs professionnels dont la majorité opère en Europe. Cela arrangera bien sûr les affaires des grands clubs, qui pèsent de leur influence et de leur poids, «sonnants et trébuchants», pour intervenir sur les dates de déroulement des différentes phases de la compétition. Déjà, beaucoup de sélections africaines, composées en majorité de joueurs professionnels, disputent leurs matches de préparation sur le Vieux Continent. Il y a quelques semaines, la FIFA avait sommé des internationaux de rejoindre leurs clubs employeurs, aux lieu et place du regroupement d'avant-match de leurs sélections nationales. Cette décision, appliquée exclusivement aux joueurs africains, avait, par la suite, été reconnue par la FIFA comme une erreur de sa part. Simplement! La nouvelle CAN sera donc uniquement réservée aux joueurs locaux. Elle sera bien sûr ouverte aux recruteurs et autres agents. Ce sera une aubaine pour eux. Ils miseront sur des «denrées nouvelles» aptes à rejoindre, à moindres coûts, le grand marché (mercato) d'avant et de mi-saison. Ces «marchands» éviteront ainsi de se faire taper sur les doigts par les clubs et leurs rabatteurs, omniprésents sur le continent, et jusque dans les petites catégories et les centres de formation qu'ils parrainent sur place. Il y a quelques années, la pratique professionnelle était prohibée par la Fédération internationale d'athlétisme amateur (Iaaf). Tout athlète touchant un salaire ou des primes devenait irrémédiablement un outlaw passible de radiation à vie. D'un autre côté, des promoteurs américains avaient tenté de créer une fédération professionnelle, en récupérant ces proscrits. Ils ont organisé des compétitions, mais n'ont pas empêché un lamentable échec. La leçon a été retenue. L'organisme responsable de l'athlétisme mondial s'est par la suite, adapté. Il a gardé le même sigle (IAAF), mais s'est transformé en fédération internationale des associations d'athlétisme. Le mot amateur a été gommé de l'intitulé. La démarche a permis à l'instance tutélaire de l'athlétisme mondial de ne pas être débordée sur ses ailes, de garder le contrôle des opérations et de rester un tant soit peu maîtresse du jeu. Pour certains analystes, en optant pour une démarche inverse, avec l'instauration d'une CAN pour un deuxième collège, la CAF prend le risque de perdre son indépendance de décision face aux puissances de l'argent qui lui piquent ses meilleures ressources, sans lui permettre un plein développement de son football. Avec ce projet, la majorité des petits et pauvres pays de notre continent sera mise devant le fait accompli. Il leur sera difficile de mobiliser les hommes et les moyens pour organiser une compétition à caractère local. Déjà qu'ils ne peuvent abriter celle qui a l'avantage d'être reconnue mondialement par les professionnels, les médias, les sponsors et annonceurs, pourvoyeurs de ressources financières conséquentes.