L'attentat terroriste qui a ciblé d'innocents Algérois, dans la matinée d'hier, sonne comme une alarme stridente qui nous renvoie aux années noires de la terreur de 93 à 98. Mais il porte en soi cet avertissement aux relents de sang qui prévoit une rentrée que tout un chacun craint qu'elle ne soit meurtrière. Cet acte barbare intervient dans un contexte où le principe politique de réconciliation nationale est le sujet de houleux débats, aussi bien dans les cercles fermés du pouvoir que dans l'agora nationale. Selon un premier bilan, l'attentat a fait 28 blessés, dont la plupart, 24 (4 enfants, 8 femmes et 12 hommes) ont été transférés à l'hôpital Maillot de Bab El-Oued. Quatre autres blessés ont été transportés à l'hôpital Mustapha-Bacha, dont deux, souffrant de brûlures, ont été évacués vers la Clinique des grands brûlés (ex-Centrale). Il faut ajouter notamment deux militaires blessés qui se trouvaient sur les lieux de l'attentat par hasard. Ces derniers ont été transférés vers l'Hôpital central de l'armée de Aïn Naâdja. Un autre bilan fait état de 34 blessés selon des sources hospitalières. Au niveau de l'hôpital Maillot, cinq cas étaient encore hospitalisés hier en fin d'après-midi dont deux graves qui ont nécessité des interventions chirurgicales. Il s'agit de deux amputations des membres inférieurs, dont une concerne l'homme qui avait, selon des témoignages recoupés, marché sur l'engin infernal. La plupart des blessés avaient été transportés par des particuliers avant l'intervention des pompiers et des services hospitaliers. Au niveau de l'hôpital Maillot, cet homme s'insurge: «Les soins ici tardent trop! C'est de cela aussi que vous devriez parler!» Le directeur adjoint de l'établissement, qui avait animé un point de presse accompagné de son directeur des activités médicales et un chef d'unité, a soutenu exactement le contraire: «Nous avons mobilisé tout notre personnel et nos moyens. Même ceux qui étaient en congé et qui habitent les environs ont rejoint les services de soins d'urgence.» Des proches des victimes accourent vers l'entrée de l'hôpital où a été placardée une liste des blessés. Dans la salle de soins, une femme brûlée aux jambes tient entre ses bras son enfant de trois ans qui souffrait de la même blessure. Elle nous a raconté des sanglots dans la voix: «Il y a eu du feu, une flamme puissante, puis j'ai vu mon enfant soulevé par le souffle de l'explosion. Ma mère qui m'accompagnait tomba à terre... Il y avait tellement de bousculade.» Au service d'orthopédie, nous avons pu rencontrer cette mère qui accompagnait ses deux enfants dans la rue marchande: «Une voiture bloquait le passage, alors il y eut beaucoup de gens, et soudain, une flamme. J'ai eu peur pour mes enfants qui, heureusement, n'ont pas été touchés», et elle nous a montré ses blessures. «Un morceau de métal m'a atteinte à la cuisse et j'ai une autre plaie au mollet.» Arrivé sur les lieux de l'attentat où s'affairaient les hommes de la police scientifique, ramassant les éventuels indices et relevant différentes mesures, nous sommes frappés par cette obsédante odeur de brûlé. Par terre, gisaient les étals des vendeurs à la sauvette dans cette rue étroite et fort fréquentée particulièrement en cette veille de rentrée sociale. A l'endroit même de la déflagration, une boutique était complètement défoncée et la vitrine réduite à des débris de verre. L'exiguïté de la rue et le nombre important de passants et de vendeurs en font l'endroit idéal pour frapper et faire le maximum de victimes. Heureusement que la charge était faible et qu'on ne compte pas de mort parmi les personnes touchées. Le ministre des Collectivités locales, M.Ould Kablia ainsi que le wali d'Alger, M.Nourani, sont arrivés vers midi sur les lieux. Ce dernier a appelé les citoyens à plus de vigilance et a exprimé ses sentiments de révolte quant à ce genre d'actes. Il est resté évasif en répondant aux questions des journalistes qui insistaient sur cette résurgence de l'activité terroriste dans la capitale. «Après les conclusions de l'enquête, a t-il déclaré, nous en tirerons les enseignements.» Selon, donc, les témoignages recueillis et la nature des blessures occasionnées, l'engin, de type artisanal, ne contenait qu'une poudre ou autre matière explosive, sans projectiles (clous, boulons ou autres débris de métaux). C'est là la signature d'un nouvel atelier de bombe artisanale. La cellule terroriste d'Alger est-elle en train de se reconstituer et de préparer sa «rentrée»?