Qui sont les commanditaires? Pourquoi a-t-on ciblé le Président? Et pourquoi maintenant? Des questions qui s'imposent avec force. Le cortège du président de la République, M.Abdelaziz Bouteflika, a échappé à un attentat jeudi dans la capitale des Aurès, Batna. Le scénario nous rappelle étrangement l'assassinat de M.Mohamed Boudiaf à Annaba le 29 juin 1992. Deux contextes. Deux événements. Un seul objectif: déstabiliser l'Algérie. Boudiaf représentait à l'époque pour certains le symbole de l'«éradication». Bouteflika, comme il le revendique haut et fort, celui de la «réconciliation». En 1992, l'Algérie baignait dans une crise sécuritaire qui l'avait menacée de plein fouet. En 2007, elle est censée atteindre le bout du tunnel. Au grand mystère donc qui a entouré l'élimination physique de feu Boudiaf vient s'ajouter aujourd'hui, l'énigmatique attentat - heureusement manqué - contre Abdelaziz Bouteflika. Dans les deux cas, les mêmes interrogations s'imposent: A qui profite le crime? Qui en sont les commanditaires? Pourquoi maintenant? Dans son message adressé au peuple algérien et à la communauté internationale, M.Bouteflika accuse les «extrémistes de part et d'autre», sans aller jusqu'à les citer d'être derrière cet attentat. Ce qui supposerait selon les observateurs que la piste des extrémistes islamistes n'est pas, du moins à l'heure actuelle, la seule retenue par les services de sécurité. Le président de la République a été, par contre, très explicite en évoquant les motivations de ce crime. Les terroristes ont visé en premier lieu un projet «la réconciliation nationale.» Mais là encore une question s'impose. La Charte pour la paix remonte à 2005. Avant et après l'adoption de la loi par voie référendaire, le président a sillonné le pays, a eu des bains de foule, et a serré des mains de nombreux citoyens. A aucun moment, sa vie n'a été menacée de cette manière. Qu'est-ce qui a changé? Le dernier événement en date, en relation avec la situation sécuritaire, remonte à mardi. Le ministre de l'Intérieur et des collectivités locales, M.Yazid Zerhouni, rejette catégoriquement l'agrément d'un parti sous la coupe des dirigeants de l'ex-FIS. En dépit du grand impact médiatique accordé à cette déclaration, il est important de signaler qu'au fond la déclaration du ministre d'Etat ne comportait aucune exclusivité. La Charte est claire sur cette question. Les personnes impliquées directement ou indirectement dans la tragédie nationale sont exclues de toute activité politique. Bouteflika et les officiels algériens n'ont cessé de plaider cette position ces trois dernières années. Par ailleurs, les forces de sécurité nationale ont intensifié ces derniers mois leurs offensives contre les camps des groupes terroristes, notamment Al Qaîda au Maghreb. A travers cet attentat, non encore revendiqué, ses commenditaires cherchaient- ils à prouver leur degrés de nuisance, sachant pertinemment que le choix du lieu et de la cible leur garantissait d'emblée un impact international. Mais le combat du président de la République n'est pas orienté vers le seul volet sécuritaire: Bouteflika mène depuis son investiture une «campagne mains propres». La lutte contre la corruption constitue même l'épine dorsale de son programme. Dans ce sens, on signale que plusieurs scandales financiers ont éclaté, mettant à nu des pratiques douteuses déstabilisant ainsi des cercles d'intérêt jusque-là tranquilles. L'autre, dossier sujet à controverse, a trait à la révision de la Constitution. Le chef de l'Etat en a fait l'annonce le 5 juillet 2006. Et depuis, il a opté pour un silence radio, laissant la porte ouverte aux spéculations et aux informations contradictoires, notamment au sujet du troisième mandat. L'attentat de jeudi passé n'ayant pas été revendiqué, il est quasiment impossible d'en connaître les tenants et aboutissants. Le chef de l'Etat lui même fait allusion à plusieurs pistes.