«Une ère de splendeur du chant lyrique est passée à l'histoire...», a déclaré le directeur artistique de la Scala de Milan. Il chantait comme un dieu et était très sympathique. Une image que garderont de lui ses fans, à jamais, à l'occasion des nombreux hommages qui lui ont été rendus. Le sourire qui illuminait son visage dénotait une réelle perfection pour le chant et surtout une grande détermination et passion pour cet art qu'est l'opéra. Un homme perfectionniste en somme auquel ont tenté de se mesurer plusieurs artistes. Sans grand succès. Environ un millier d'admirateurs et curieux se pressaient sur le parvis pour être les premiers à rendre hommage au maestro. Son épouse, Nicoletta, qui accompagnait le convoi, sanglotait. Une voix de légende s'est tue en effet jeudi dernier avec la mort du ténor Luciano Pavarotti, décédé à l'âge de 71 ans dans sa ville natale de Modène (nord de l'Italie) dans laquelle l'artiste tenait à être enterré. Pavarotti, qui avait été opéré d'un cancer du pancréas en juillet 2006, «est mort peu après 03h00 GMT» dans sa propriété à la périphérie de Modène, «une très belle maison entourée de champs et de verdure», a déclaré Giorgio Pighi, le maire de la ville. Jeudi après-midi, quelques heures seulement après l'annonce de la disparition du ténor, le principal quotidien local, Il Resto del Carlino, a publié une édition spéciale entièrement consacrée à Pavarotti, titrant Addio Maestro. Le cercueil du ténor a été porté sous les applaudissements dans la cathédrale où une chapelle ardente a été ouverte au public jusqu'à samedi matin «J'espère qu'on se souviendra de moi comme d'un chanteur d'opéra, comme représentant d'une forme d'art qui a trouvé sa plus forte expression dans mon pays l'Italie», avait écrit Pavarotti sur son site Internet à l'époque où il entamait sa tournée d'adieu en 2004. Son enterrement, auquel doit assister le président du Conseil, Romano Prodi, aura lieu aujourd'hui à 13h00 GMT à la cathédrale de Modène. «Modène s'identifiait à Pavarotti, qui a fait connaître cette ville dans le monde entier grâce à sa voix extraordinaire. Sa capacité d'exprimer des émotions était unique», a souligné le maire. Des éloges à la hauteur du maître Pavarotti n'ont pas tardé à pleuvoir venant de personnalités importantes du monde entier. Des artistes et hommes politiques ont réagi suite à sa disparition: «Il y avait des ténors et il y avait Pavarotti», a résumé le metteur en scène italien, Franco Zeffirelli, tandis que le président américain, George W.Bush, a salué «l'un des chanteurs d'opéra les plus accomplis et les plus acclamés de tous les temps» et le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon un «vrai ami de l'ONU». En Italie, la célèbre soprano Mirella Freni confiait avoir perdu «un grand ami» tandis que le ministre de la Culture, Francesco Rutelli, qualifiait le ténor de «géant du XXe siècle». Pour le Royal Opera House de Londres, Pavarotti était «l'un de ces rares artistes qui touchaient la vie de gens de tous horizons dans le monde entier» et Stéphane Lissner, directeur artistique de Della Scala de Milan estimait qu'une ère de splendeur du chant lyrique «était passée à l'histoire». Une opération du dos, début 2006, puis du pancréas quelques mois plus tard, avaient contraint le ténor à abandonner, l'été 2006, sa tournée d'adieu mondiale de 40 concerts. Depuis, il n'était plus apparu en public. Né le 12 octobre 1935 à Modène (nord de l'Italie), Luciano qui se destinait d'abord à l'enseignement, avait opté définitivement pour le chant en 1961. Il a su populariser son art dans des stades combles en trio avec ses complices Placido Domingo et José Carreras et aura vendu des millions de disques classiques. Amoureux des pur-sang, ce géant barbu de 1,90 m (pour un poids variant entre 85 et 130 kg) était un amateur de pâtes fraîches et de bons vins, ce qui lui avait valu le surnom de Big Luciano. Celui qui dénichait toujours un clou tordu avant de monter sur scène avait eu trois filles avec sa première épouse Adua Veroni. Bizarrement, il a failli mourir quand il avait douze ans à cause de ce morceau de fer! Il avait alors attrapé le tétanos et était tombé dans un coma profond. On ne donnait pas cher de sa vie à cette époque-là, encore moins de ce qu'il allait devenir plus tard. L'artiste ne s'était jamais départi de son foulard fétiche à chaque concert pour éviter alors de tomber malade. Il savait, en effet, de quoi il parlait. La rumeur dit que Pavarotti n'a jamais su lire une partition de musique... Le maestro s'était remarié en décembre 2003 avec son ex-collaboratrice Nicoletta Mantovani, de plus de 30 ans sa cadette, avec laquelle il a eu une petite fille.. Au début de l'été, au cours d'une cérémonie en l'honneur du ténor sur l'île d'Ischia, près de Naples (sud), son épouse avait assuré que son mari préparait un disque. Il avait été hospitalisé à Modène du 8 au 25 août, officiellement pour «un état fiévreux». Un grand chanteur vient de nous quitter. Avec sa voix céleste, les cieux ont de la chance de l'avoir.