Le commerçant souffre au même titre que le consommateur: l´un de la concurrence déloyale et l'autre de la cherté des produits. Terrifiés et hypnotisés par les deux attentats kamikazes perpétrés à Batna et à Dellys, les Algériens redécouvrent la menace terroriste. Hiérarchie oblige, les citoyens ont omis que deux évènements nécessitant des dépenses colossales les attendent pour cette rentrée sociale. La rentrée scolaire est dans une semaine mais le Ramadhan c'est demain. Deux évènements rimant plus que les années précédentes, avec cherté. Un jeu sans merci auquel les ménages s'adonnent après la fin des vacances estivales. Le porte-monnaie sera mis à rude épreuve. Une angoisse en cache une autre. La peur de «mourir» s'adoucit pour les petits ménages devant les prochaines dépenses. La «honte» de ne pas pouvoirs subvenir aux besoins de la progéniture prend le dessus. Mais à l'évidence, les parents ont tranché. Les fournitures scolaires d'abord. Les prix des cahiers scolaires, support principal pour l'apprentissage, ont connu une hausse quoique légère. Le cartable est cédé entre 250 et 2500 dinars. Une virée, hier, au niveau de certains quartiers de la capitale nous a permis de voir la réalité de près. Dure est cette réalité. Se bousculant au portillon, ils tentent, vaille que vaille, de rassurer leur progéniture. «J'ai économisé de l'argent une année durant pour que la rentrée scolaire de mes trois enfants, deux collégiens et une fillette au primaire, ne soit pas lourde en dépenses» nous a déclaré une dame, M.H, rencontrée à Benaknoun. La joie que la rentrée scolaire aurait pu donner à ces angelots, devient un véritable casse-tête pour les parents. Notamment pour les familles de la moyenne bourse. Reconnaissant la cherté de la vie, la prénommée Lynda, infirmière de formation, a déclaré à L'Expression que c'est le comportement de certains enseignants qui la met à bout de nerfs. «A maintes reprises, on demande aux écoliers d'acheter des crayons, cahiers...de haute gamme» a-t-elle ironisé. Des trousses de marque française à 450 dinars. Inouï. «C'est le revenu quotidien d'un fonctionnaire», explique une dame. «D'où viennent ces enseignants sans âme. Ignorent-ils le quotidien des parents de leurs élèves?» s'indigne-t-elle. Les produits locaux sont cédés à des prix «bas» mais d'une piètre qualité. Interrogé, un marchand estime que les prix sont quasiment les mêmes que ceux de l'année précédente. Et de préciser que certains produits asiatiques, notamment chinois, ont envahi les étalages sans que l'acheteur ne s´en rende compte. Equerres, gommes, crayons, taille- crayons, crayons de couleur, colle, ciseaux, bandeaux, feutres, pâte à modeler sont proposés au consommateur algérien. Cette situation est d'ailleurs à l'origine de l'agacement de certains patrons de librairies et de papeteries qui crient à «la concurrence déloyale.» Autre fait. Ces dernières années la clientèle a diminué, précise un vendeur exerçant depuis une dizaine d'années à la rue Hassiba Ben Bouali. «C'est dû à la cherté de la vie, certes. Mais, les gens sollicitent de plus en plus des vendeurs sans registre du commerce ni autorisation de la wilaya». «On savait que la scolarité des enfants revenait cher aux ménages, mais à présent les petits commerçants honnêtes sont réellement menacés de disparition» s'est plaint un détaillant. Les cahiers de 384 pages coûtent 120 dinars. Le prix des cahiers de 192 pages «en ressort», 192 pages «cousues» en grand format oscille entre 90 et 100 dinars. Les crayons de couleur de marque locale sont cédés à 30 dinars. Ceux importés coûtent 120 dinars la boite. Les prix sont les mêmes dans les différentes boutiques visitées. Le citoyen est pris en tenailles. A toutes ces dépenses scolaires dispendieuses s'ajoutent celles du mois du jeûne. Celles-ci, draconiennes, le sont d'autant plus que l'Algérien fait preuve d'un «affolement» incontrôlable en termes de dépenses abusives durant ce mois dit de piété. Quand le ventre crie famine, toutes les dépenses sont permises.