Les récents attentats kamikazes, la hausse des prix et la rentrée sociale ont fait du Ramadhan un événement secondaire. «Voilà ce que je porte dans mon couffin», nous a déclaré H.Sadek, un père de famille à peine la quarantaine, rencontré, hier, dans un marché presque désert de la capitale. Un couffin vide! Le pourquoi de la chose n'est qu'un secret de polichinelle. La rentrée scolaire de sa progéniture coïncide avec ce mois «de piété», «mais aux grandes dépenses». L'ambiance habituelle n'est pas de mise. Le citoyen algérien habitué à faire de ce mois un grand événement, a l'esprit ailleurs. Attentats en série, mendicité en hausse...salaires dérisoires, ont mené cet Algérien jusqu'à l'«oubli» de ce que représente la symbolique de ce sacré mois. La situation est calamiteuse. «Mon salaire mensuel est de 8 000 dinars avec à charge trois enfants scolarisés», se plaint un citoyen en haillons, mendiant au coin d'une rue d'Alger. Trop jeunes sont ses enfants, ils font la rue, en quémandant au quotidien l'aumône, leur seul et unique salut. Ils guettent des âmes charitables qui peuvent leur rendre le sourire qu'ils ont perdu il y a belle lurette. «Ces âmes ne sont pas nombreuses», laisse entendre leur père quadragénaire, les larmes aux yeux. Les chaleurs torrides et les affres de l'hiver auxquelles s'exposent ces enfants n'étaient pas sans conséquences. Victimes de plusieurs maladies chroniques, selon le bilan d'un spécialiste acceptant de les prendre en charge gratuitement, ces angelots vivent au ralenti. Sans espoir. Hospitalisé depuis une dizaine de jours dans un CHU de la capitale, pour insuffisance rénale, le petit Mahdi, voit ses jours en péril. Un cas parmi tant d'autres illustrant les conséquences néfastes d'un Snmg insuffisant. Insignifiant. Notre tournée a trop duré. En sus de ce cas dramatique, l'on constate, même les yeux fermés, que le rush des acheteurs au niveau des marchés a terriblement baissé. Le consommateur est dépassé par les prix excessifs affichés. Que de dépenses durant ce mois dit du jeûne! Les rues qui, habituellement animées en cette période de Ramadhan, sont désertes cette année. Pourtant, l'Algérien ne jure que par ce mois sacré. Mais les séquelles des deux attentats perpétrés à Batna et Dellys, pour ne citer que ceux-là, sont, semble-t-il, incurables. Lui, le citoyen, qui a vécu une tragédie nationale dominée par des tueries, craint toujours de mourir par la violence. «En toute franchise, avoue une jeune fille, on ne peut plus faire nos courses comme avant». En dépit du dispositif sécuritaire mis en place, la peur hante les esprits tous les jours. Les citoyens sont terrifiés par ces attentats kamikazes. Ni la zlabia, de Boufarik ou d'ailleurs, ni la chorba pleine d'ingrédients, qui lui donnent une saveur particulière, ne sont appréciées. «Les tables s'appauvrissent» enchaîne un vendeur de zlabia au boulevard Hassiba, à Alger, reconnaissant une nette régression en termes de clientèle fidèle. Quant à Samia, étudiante en 1re année lettres françaises à Bouzaréah, elle estime que ces jeunes qui se font exploser ont semé la terreur chez l'ensemble des familles. Les marchés, les boutiques, les gares routières...sont devenus les lieux bien ciblés des attentats. «On ne sort que par extrême nécessité», poursuit l'étudiante qui souhaite regagner son village en Kabylie durant ce mois de Ramadhan. «Faire carême loin de chez soi est très ardu» a-t-elle reconnu. Quant à Nana Aldjia, habitant Bab El Oued, elle a soulevé un problème plus épineux. La consommation d'une viande illicite, comme celle du baudet que les Algérois ont consommée en grande quantité, refait surface. «Que les vendeurs aient de la pitié comme le nom du mois l'indique. Cessez de nous induire en erreur!» a-t-elle supplié.