«Je conçois un roman comme un attentat sémantique!» explique l'auteur. Il fait partie de la jeune génération d'écrivains algériens. Il est une des valeurs sûres de cette frange de littérature contemporaine. Mustapha Benfodil, reporter et auteur (nouvelles, poèmes, pièce de théâtre...) à «l'éternel allure d' adolescent et d'écolier premier de la classe», vient de signer aux éditions Barzakh son troisième roman intitulé: Archéologie du chaos (Amoureux). Un livre qui s'inscrit fidèlement dans la même veine nihiliste de son auteur. Un roman dévastateur où se côtoient le courroux, l'anarchie, la violence, la névrose, le sexe, mais de l'amour quand même...C'est ce qui se dégage de la présentation de ce livre faite par Rachid Mokhtari, mardi dernier lors de la séance «Un auteur, Un livre», le rendez-vous littéraire hebdomadaire du Centre culturel français. En fait, il est dit que ce roman se décline en deux récits distincts, celui de l'auteur/narrateur Yacine Nabolci, antihéros, génial, laid et misanthrope et l'enquête que va mener ce policier, Merouane K. qui tentera de retracer le parcours de vie de cet auteur, décédé, convaincu d'avoir été assassiné. Cette quête policière sera un prétexte pour nous plonger dans le carnet de bord et les textes retrouvés sur ce marginal, ayant été tôt traumatisé après avoir étouffé sa petite soeur, assisté au décès de sa mère et vu «la sublime Plaie dans l'entrejambe de Kheira», «sa très belle mère». Un roman, comme à chaque fois à tiroirs, où se mêlent allègrement différents strates et registres de langage, et diverses références socioculturelles, mythologiques et bibliques, avec cette constante: la structure binaire comme socle ou le dédoublement volontaire du personnage, du «Je»...Celle-ci que d'aucuns expliqueraient par une analyse métaphysique du sujet ou plutôt psychopathologique d'une plaie non encore cicatrisée, et qui renvoie selon l'auteur, au désordre de l'univers, à l'éclatement des sens, lequel sépare ou rapproche -c'est selon- le monde primitif de la poésie. De ce fait, il serait incongru de ne pas faire montre de paradoxe. Ce dernier est la mère de la complexité de l'être, non figé mais constamment en évolution par rapport à ses doutes.. Aussi, l'auteur préconise-t-il le terme de «pop littérature» à ses élucubrations pas si dénuées de sens que ça, «car il tente de nous renseigner sur le statut de la fiction». Pourquoi «Archéologie»? lui demande-t-on. Et Mustapha Benfodil de rétorquer: «Le corps devient un champs de fouille où s'en tassent différentes couches de chaos, de chocs et de ruines amoureux, affectifs, urbains, politiques et en définitive, celui du langage cassé qui renvoie au métalangage de l'auteur, celui auquel je me revendique, et qui vient de la rue...» Et de clarifier son idée: «En fait, je conçois un roman comme un attentat sémantique!» Mustapha Benfodil n'omet pas de préciser aussi que le complexe d'Œdipe mis en exergue dans son roman serait, lui, à l'origine de cette violence dans laquelle nous baignons et subissons quotidiennement. De la révolution de la pensée à l'action, il n'y a qu'un pas que l'auteur franchit allégrement en établissant à la fin un manifeste du «chkoupiste» pour exhorter les «anartistes» à monter un «commando culturel» après avoir échoué, au summum de sa misogynie, à faire «tomber» les femmes enceintes...Ici, Mustapha Benfodil rend aussi hommage à tous ces jeunes qui ont toujours cru à un idéal, une cause qu'il ont toujours défendue mordicus comme ces étudiants, la tête pleine de rêves et qui continuent comme lui, à avoir la «foi dans le pouvoir de l'art». Une parenthèse aussi pour dire le lien affectif qui lie le personnage Z.B. de Zarta! à celui de Yacine Nabolci, tout deux unis dans leur marginalité d'homme hors du temps et de l'espace en s'affirmant chacun à sa façon sous le prisme de la révolte intérieure, à laquelle il lui arrive parfois d'enfanter de belles choses, pas seulement des terroristes, comme celles que vous serez amené à lire si vous achetez ce roman truculent, truffé de drôlerie et de cocasseries fantaisistes...à la manière bien singulière de Mustapha Benfodil, bien évidemment!