La cérémonie de cette année a eu ses moments forts et son indispensable petit grain de sable. Un doublé historique et une consécration d'un film controversé, tels ont été les faits les plus notables de cette 47e édition des Oscars. Si Denzel Washington, en recevant son Oscar du meilleur acteur, ne fait pas exception, puisque son aîné Sidney Poitier a eu l'insigne honneur de l'obtenir en 1964, Berry Halle est, elle, bien entrée dans la légende comme la première actrice noire à remporter l'Oscar de la meilleure interprète, récompense qui avait, à maintes reprises, échappé à des comédiennes aussi prestigieuses que Diana Ross ou Whoopi Goldberg. L'événement a été marqué par tout l'émotionnel qui se devait puisque les larmes de la lauréate ont contaminé irrésistiblement ses concurrentes au titre, Nicole Kidman et Renée Zellweger. Dans A l'ombre de la haine, où elle joue aux côtés de Billy Bob Thornton, Halle Berry, ex-mannequin souvent cantonnée aux rôles de belle plante, réussit presque à faire oublier sa beauté en incarnant le personnage de Leticia Musgrove, épouse d'un prisonnier du couloir de la mort qui finit par nouer une relation passionnelle avec l'homme qui a supervisé l'exécution de son mari, un ancien policier très raciste. Denzel Washington, lui, doit son Oscar à un film passé presque inaperçu aux Etats-Unis. Dans Training day, ( disponible chez nous en vidéo et que nous vous recommandons), il joue Alonzo Harris, un policier brutal de Los Angeles qui initie à ses pratiques corrompues une jeune recrue débutante, jouée par Ethan Hawks, révélé notamment dans Le cercle des poètes disparus. Un homme d'exception, basé sur la biographie du mathématicien génial et schizophrène John Nash, a été sacré meilleur film malgré une polémique soutenue lui reprochant d'avoir dissimulé les traits les moins flatteurs du héros. Tout commence par un tableau idyllique: en 1947, John Forbes Nash Jr, brillant étudiant en mathématiques à l'université de Princeton, met au point une théorie mathématique révolutionnaire qui lui vaudra de recevoir le prix Nobel d'économie en 1994. Mais derrière le génie, incarné par Russell Crowe, se cache un homme torturé par sa schizophrénie, contre laquelle va l'aider à lutter sa femme Alicia, jouée par Jennifer Connelly. La transformation en mathématicien pataud de Russell Crowe, habitué aux rôles de séducteur, est saisissante. L'acteur est en outre superbement épaulé par Jennifer Connelly, dont la grâce et la justesse de ton illuminent le film. Belle histoire et casting de rêve. Tout aurait été pour le mieux dans le meilleur des mondes si une polémique n'avait presque réussi à gâcher la fête. Certains critiques ont vivement reproché aux auteurs du film d' «oublier » de faire mention des déclarations antisémites de Nash. Ce qui a amené les studios Universal, producteurs du film, à aller au secours de leur film. Pour Pete Hammond, historien du cinéma, ces attaques se sont inscrites dans une campagne générale visant à discréditer le film. «Accuser le héros d'un film d'être antisémite quand on sait que nombre d'électeurs (de l'Académie du cinéma) sont Juifs, c'est vraiment bas et sale». Malgré la polémique, le film, qui a coûté environ 92 millions de dollars, a été plébiscité par le public, récoltant près de 150 millions de dollars de recettes au box-office. Ron Howard, qui a reçu l'Oscar du meilleur réalisateur pour Un homme d'exception, a déclaré que «d'une certaine manière notre film a permis d'améliorer la manière dont nous percevons et traitons les malades mentaux». Le film a remporté deux autres Oscars, celui de Jennifer Connelly, meilleur second rôle féminin pour son interprétation du personnage d'Alicia Nash, et celui du meilleur scénario d'adaptation. Pour l'Oscar du meilleur film étranger, c'est la grande déception pour les Français qui mettaient de l'espoir dans la révélation cinématographique Le fabuleux destin d'Amélie Poulin. Nominé dans cinq catégories, le film est reparti bredouille alors qu'il avait attiré plus de 25 millions de téléspectateurs à travers le monde. Aux Etats-Unis, il est même le plus grand succès de tous les temps pour un film français. C'est le film de Bosnie-Herzégovine No man's land de Danis Tanovic qui a remporté la récompense tant convoitée. Doux-amer et contre la guerre, il met en scène deux soldats dont l'un Musulman de Bosnie et l'autre Serbe. Le film avait déjà remporté plusieurs prix, dont un Golden Globe et le prix du meilleur scénario au Festival de Cannes. La consolation viendra de Jean-Xavier de Lestrade qui a remporté l'Oscar du meilleur film documentaire pour Un couple idéal. Les autres favoris de la soirée ont dû se contenter des miettes. Le seigneur des anneaux, tiré de l'épopée fantastique de l'écrivain britannique J.R.R. Tolkien, a décroché quatre Oscars dans les catégories techniques (maquillage, photographie, effets spéciaux et musique originale). La comédie musicale Moulin rouge est partie avec deux statuettes (costumes et direction artistique). Jim Broadbent a remporté, de son côté, l'Oscar du meilleur second rôle masculin dans le film Iris, inspiré de la vie de la romancière britannique Iris Murdoch.