Les élections locales du 29 novembre vont renouveler le staff municipal et wilayal, mais où se situe la place des édiles algériens? Le prochain renouvellement des Assemblées populaires communales et de wilaya (APC et APW) pose la problématique de la mise en application des réformes initiées par le Comité de la réforme des structures et des missions de l'Etat, plus connu sous le nom de «Commission Missoum Sbih», installé par le président Bouteflika en novembre 2000. Cette réforme de ses structures et missions devait redonner à l'Etat et à ses démembrements toutes leurs prérogatives. Sept ans après qu'en est-il de ces réformes et sont-elles visibles sur le terrain? Toute la question est en fait là. Réformer les institutions de la République était l'un des objectifs avoués de M.Bouteflika lors de son premier mandat, dans la perspective, outre dépoussiérer une administration qui s'est noyée dans la bureaucratie, de même redonner aux institutions de base de l'Etat, la commune et la wilaya, le dynamisme et la pugnacité qui, souvent leur ont fait défaut. Installant le 25 novembre 2000 le Comité de la réforme des structures et des missions de l'Etat, le président Bouteflika a insisté sur le fait que «la décentralisation au profit des collectivités locales ne peut remplir pleinement son objet que si elle est parallèlement accompagnée par une déconcentration correspondante qui implique une plus grande délégation de compétences aux autorités territoriales de l'Etat plus proches des réalités quotidiennes du terrain». Délégation de compétences, autrement dit, délégation de pouvoir (politique). Or, toute la difficulté des édiles municipaux algériens à accomplir leur mission se trouve sans doute dans l'opacité qui entoure le rôle dévolu à l'élu communal, d'une part, du fait des choix des personnes appelées à diriger les unités territoriales (communes) d'autre part. Aussi, le chef de l'Etat ne manqua pas de préciser que c'est sur la base de ces «considérations de compétence et de délégation que le Comité devra examiner la répartition des compétences entre les administrations centrales de l'Etat et les services déconcentrés au regard des objectifs, des moyens, et des finalités de l'Etat tant au niveau central que territorial. (...)». En réalité, pour gérer cette unité de base qui est la commune, la compétence administrative, voire technique, peut être de peu d'effet si celle-ci n'est pas accompagnée et confortée par des compétences politiques. C'est donc au niveau le plus bas, ou plancher de l'Etat, la commune, que se pose le véritable problème des missions de l'Etat. Il se trouve que dans le système politique algérien, les ministres et les députés n'émanent pas de la base, la commune, à laquelle ils sont totalement étrangers, mais sont au contraire cooptés hors de cette base et des normes politiques usitées partout ailleurs dans le monde qui donnent la priorité aux édiles municipaux pour la gouvernance et la chose publique. En un mot, la commune algérienne n'ouvre pas au poste de ministre, voire à des ambitions plus hautes de chef de l'Etat. Aussi, en Algérie, le président de l'Assemblée populaire communale (APC), autrement dit le maire, n'a pas de compétence politique, d'où l'ambiguïté de son statut. Il faut savoir que contrairement à ses «collègues» de par le monde, le maire algérien n'a aucun rôle politique, son mandat se limitant à administrer l'unité territoriale (commune) dont il a la charge et la gestion. Cette situation a, en fait, infléchi négativement le rôle du premier édile de la cité -Monsieur le Maire- qui, souvent, ne dispose pas d'une culture politique le qualifiant pour viser plus haut et même se mettre en réserve de la République. Cette situation est, en fait, voulue puisqu'elle induit le fonctionnement même du système politique algérien qui, dès l'avènement des premières APC et des Codes communal et de wilaya (en 1967), a limité le rôle du maire algérien à la gestion administrative de la commune dont il a la charge. Ce qui fait que, politiquement, le maire de la capitale (mégapole de 3 millions d'habitants) n'est pas «politiquement» plus important que ses collègues des petites villes et villages d'Algérie. Délibérément, la commune algérienne a été amputée de son âme qui est la dimension politique. En réalité, l'échec de la commune algérienne ne s'explique pas autrement que par cette absence de contenu politique avec comme conséquence, le fait que l'action des édiles municipaux se ressent largement de ce manque. De fait, souvent, pour ne point dire toujours, la commune s'identifie, ou on l'identifie, aux qualités de ses édiles. Or, ceux-ci sont confinés, par les textes réglementaires, dans le rôle étroit de fonctionnaire municipal, situation qui est loin de l'idée que l'on se fait, que l'on doit se faire, de l'élu communal, lequel en fait occupe une position stratégique dans l'échiquier de la République: le maire étant dans le même temps le représentant de l'Etat auprès de la collectivité municipale (article 67 du Code communal du 7 avril 1990, JORA N° 15 du 11 avril 1990) et délégué de la commune -et de ses administrés- (article 59 du Code communal du 7 avril 1990) auprès des pouvoirs publics qui délivrent, sous l'autorité du wali (article 69), les moyens financiers, matériels et techniques pour une bonne gestion du territoire communal. Mais à l'évidence, ces dispositions ont largement montré leur limite dès lors que le maire est toujours amputé de ses compétences ou prérogatives politiques. Cela explique, notamment, le fait que les «politiques» algériens -ou supposés tels- les leaders des partis politiques ne sont jamais candidats à des postes d'administrateur municipal qui n'ouvre pas sur un avenir politique. Dès lors, cela explique quelque peu le fait que si le menu fretin se bouscule aux portillons de la mairie, il n'en est pas de même pour les «gros requins» qui se réservent pour des joutes autrement plus «juteuses». Or, le poste de maire est une charge éminemment politique. C'est au niveau de la mairie que le gestionnaire et le politique font leurs preuves d'autant que l'un ne peut aller sans l'autre. On ne peut être gestionnaire sans assise politique, de même on ne peut être politicien, dans le sens noble du terme, sans de solides connaissances de gestion des hommes et de la chose publique. Comment peut-on en effet prétendre gérer l'Etat si l'on est incapable de le faire dans l'unité territoriale communale? Parmi nos ministres combien sont en réalité qualifiés pour gérer et conduire les affaires d'une commune? La question reste posée face à l'incompétence qu'ont montré, ou montrent, nombre de nos ministres dans le traitement des affaires courantes de la nation dont ils ont la charge. Quand le maire en Algérie est un simple administrateur, sous d'autres cieux les élus municipaux, singulièrement le premier d'entre eux -le maire-, ont le profil d'homme d'Etat qu'ils mettent en exergue dans leurs gestion et gouvernance de la commune. De par sa proximité avec les citoyens, sa connaissance approfondie de la gestion administrative et...politique de son unité territoriale, le maire, ou les conseillers municipaux, sont les mieux qualifiés pour postuler à des postes plus gratifiants de ministres ou à celui des hautes charges dans les institutions de l'Etat. Ceci pour dire que le poste de maire, tremplin de toute carrière politique, exige des qualités autrement plus rationnelles qui confèrent à l'élu la stature d'homme d'Etat, qualité absente -comme n'a cessé de le souligner le président Bouteflika- chez nos ministres. Aussi, la question se pose: quelle est la place du maire dans le système politique algérien? Le Code communal (du 7 avril 1990) dans sa mouture actuelle n'y répond pas ou partiellement, comme il esquive l'importance politique qui devrait être celle du premier magistrat de la municipalité, fonction qui est loin d'être seulement à caractère administratif et technique dans lequel le Code communal confine le président de l'Assemblée populaire communale (APC), Or, la charge de maire, prépondérante dans le gouvernement municipal, est tout autre que celle d'exécutant d'ordres hiérarchiques. Cependant, on oublie souvent, ou on minimise le fait que la commune est la base de l'Etat et constitue, à son échelle, un gouvernement ou chaque membre de l'exécutif a son importance liée à une tâche précise à accomplir. En d'autres termes, c'est au niveau de la commune, début et prolongement de l'Etat, que commence la bonne gouvernance tant du fait des rapports directs qu'a la municipalité avec les citoyens et les pouvoirs publics. Or, cette gouvernance communale n'a pas le prolongement, qui devait être naturel, au niveau national. C'est en fait ce hiatus dans l'attribution des charges municipales, amputées de leur dimension politique, qui explique aujourd'hui l'échec récurrent de la commune algérienne. Or, rien n'indique au niveau national que l'on soit prêts à remédier à cet anachronisme dans la mesure où les nouveaux textes sur la commune et la wilaya, toujours pas promulgués, ne semblent pas prendre en compte cet aspect combien déterminant du statut du maire dans le système politique algérien. Comme la «Commission Missoum Sbih» ne semble pas non plus s'être appesantie sur cet aspect «spécifique» de la mission du maire en Algérie De fait, tant que le maire algérien n'est pas réhabilité dans ses prérogatives politiques il est patent que subsistera toujours un déficit qui empêchera la commune algérienne et ses édiles de jouer pleinement leur rôle au niveau de l'Etat et de la République.