L'arrivée de Sarkozy permettra-t-elle de rompre avec la politique chiraquienne qui, au Maghreb, a toujours joué la minorité de blocage? Les milieux politiques bouillonnent de questionnements sur la visite officielle qu'effectuera après-demain le président français Nicolas Sarkozy, au Maroc. Des interrogations en rapport direct avec la situation politique dans la région du Maghreb, jalonnent, en effet, ce déplacement de deux jours au Royaume marocain. Y aura-t-il, une nouvelle politique de la France au Maghreb? La France compte-t-elle diversifier ses partenaires en termes d'investissements directs au Maghreb ou se contentera-t-elle de focaliser sur le Maroc? Quel rôle compte jouer Sarkozy dans la région avec son nouveau projet d'Union méditerranéenne? La France va-t-elle clarifier sa position, par rapport au conflit du Sahara occidental? Ce n'est qu'une partie des interrogations des observateurs de la scène politique. Bien avant son élection à la tête de la République, Nicolas Sarkozy avait soutenu qu'il ne s'appliquera pas à une politique limitée aux relations personnelles, mais il développera des relations d'Etat à Etat. En d'autres termes, il s'est démarqué de la politique des relations personnalisées. Un déclaration qui n'est ni anodine ni un cheveu sur la soupe des relations internationales. Elle tire ses racines de la politique menée par deux ex-présidents français envers le Royaume marocain. La position tranchée de Giscard d'Estaing en faveur du Maroc, a été décriée, notamment durant le soulèvement sahraoui de 1975 contre les forces d'occupation marocaines. Le cas Jacques Chirac est encore caractéristique. Et l'arrivée de Sarkozy permettra-t-elle de rompre avec la politique chiraquienne qui, au Maghreb, a toujours joué la minorité de blocage, au Conseil de sécurité, pour la non-résolution du problème du Sahara occidental, et pour la défense de la position marocaine d'autonomie. Dans son livre Majesté, je dois tout à votre père le journaliste et écrivain Jean-Pierre Tuquois démontre ce faisceau d'intérêts qui existe entre le Palais et la famille Chirac. C'est pour toutes ces raisons que les promesses de la politique étrangère française, sous Chirac et Mitterrand, voire sous Giscard d'Estaing, valent ce qu'elles valent: du vent. Une question simple: quel est le continent le plus pauvre? L'Afrique. Sans conteste. C'est en effet dans cette partie du monde que se situe la majorité des pays membres de la francophonie, anciennement sous colonisation française. Ainsi, les observateurs attendent de cette visite que la France rétablisse et surtout clarifie ses relations avec ses voisins du Sud. Que la France veuille faire du Maroc son premier partenaire au Maghreb est une chose, mais qu'elle bloque la construction de l'Unité maghrébine par ses tergiversations en est une autre. Car en définitive, quand les certitudes, les principes et les espérances de la France s'inscrivent dans une logique de bataille par rapport aux certitudes, aux espérances et aux principes de ses voisins du Sud, alors la voie sera ouverte aux incompréhensions et aux cynismes. Une dizaine d'ONG françaises ont adressé une lettre au président français Nicolas Sarkozy, soulignant «la violente répression» que subit le peuple sahraoui qui «lutte pacifiquement pour son droit à l'autodétermination», a-t-on appris du Comité pour le respect des libertés et des droits humains au Sahara occidental (Crelso) basé à Paris. Dans une lettre commune rendue publique jeudi, ces ONG dont le Crelso, la Ligue française des droits de l'homme (LDH), le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (Mrap), et le Syndicat de la magistrature, ont rappelé que le 25 septembre dernier, devant l'Assemblée générale des Nations unies, le président français a souligné qu'«il n'y aurait pas de paix dans le monde si la communauté internationale ne soutenait pas le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes». Dans sa dernière édition, le magazine français Le Point rapporte que M.Sarkozy prononcera un discours à Tanger pour annoncer le projet d'Union. Mais ce projet appelle une autre question encore plus cruciale. Comment, en effet, peut-on concevoir la naissance de l'Union méditerranéenne sans relancer l'Union maghrébine. Ou alors le projet de M.Sarkozy qui a passé l'éponge sur le processus de Barcelone va-t-il se construire sur les lambeaux de l'UMA? Auquel cas, la France donnera l'impression de jouer seul dans le lac fermé de la Méditerranée. Dans ce cas, c'est sans compter sur la batterie d'actions souvent plus pragmatiques que mènent les Américains. Qui du GMO (Grand Moyen-Orient) de George Bush ou de l'Union Méditerranée de Nicolas Sarkozy séduira le Maghreb? Deux présidents amis et deux projets «ennemis». Qui saura vendre son projet aux Maghrébins?