Ce qui devait être une marche pacifique a été dispersée avec une violence inouïe. Dès 8 h, la ville donnait l'impression qu'elle allait vivre une journée pas comme les autres. Le comité citoyen de Bouira avait appelé à une grève générale et à une marche avant-hier à 19h. Toutes les artères étaient bloquées par un dispositif de sécurité impressionnant. Les camions jet d'eau, appelés ironiquement «azraïne», étaient disposés devant les édifices publics tels le cabinet du wali, l'APC... Au centre-ville, la place des Martyrs, lieu de rendez-vous des manifestants depuis le début des événements du printemps noir, est occupée par des éléments des unités antiémeutes. Il est 9h quand arrive un groupe d'une vingtaine de jeunes du quartier de Ras Bouira. Scandant des slogans hostiles au pouvoir, ils tentent de se réunir sur ladite place. Les forces de l'ordre les somment de partir en direction du stade Bourouba. Sans dire un mot, ils s'exécutent. 9h30, c'est une délégation de Haïzer qui arrive sur le lieu de regroupement. Précédés d'une large banderole noire, placée derrière une vieille exagénaire, et sur laquelle était écrit: «Ulac smah ulac», les marcheurs exigent la libération des détenus. C'est au niveau de l'agence Air Algérie, sur l'avenue Ben-Abdallah alors que les organisateurs, dans l'attente des participants d'Ath Laâziz, s'attellent à porter les dernières retouches à une marche pacifique où tous les ingrédients étaient réunis pour qu'elle le soit - hormis les banderoles les manifestants n'avaient rien d'autres dans les mains - une scène pénible se déroule sous nos yeux : les sirènes des véhicules de police étouffent les appels des manifestants en se rapprochant du lieu de rassemblement. Les «Nissan» tels des boulets foncent sur la foule et la scinde en deux. Les CNS et les policiers en civil entre en lice. Munis de gourdins, les agents de l'ordre s'emploient à disperser les personnes encore sur place ou présentes là par hasard. D'autres policiers s'occupent des banderoles. Des jeunes et moins jeunes seront embarqués et transférés vers le siège de la sûreté. Une source non vérifiée parle de présentation directe devant le procureur. Nous avons aussi vu un adolescent au sol recevant des coups de pied. Renseignements pris, le jeune serait dans un état critique. Du côté des forces de l'ordre, un inspecteur a été évacué souffrant, selon toute vraisemblance, d'une fracture du pied droit. A M'chedallah, un meeting s'est tenu en face du siège de la daïra pour exiger la libération des délégués arrêtés. Une déclaration aurait été remise au chef de daïra pour la transmettre à qui de droit. 4 mineurs arrêtés par la gendarmerie lundi ont été remis à leur famille. Sur la RN5 bloquée à plusieurs endroits, notamment à El-Adjiba, Taourirt, Raffour, les manifestants exigent la même revendication, c'est-à-dire la libération des détenus. L'opération arrestation des délégués décidée en haut lieu, continue avec l'arrestation du délégué de Ras Bouira et d'un autre du comité de Haïzer.