«En politique, il faut donner ce qu'on n'a pas, et promettre ce qu'on ne peut pas donner.» Louis XI (1423-1483) Apparemment, l'opacité, la confusion et la démagogie ne sont pas des tares inhérentes aux seules politiques des pays sous-développés. Car, comment juger autrement les «initiatives» internationales du président français Nicolas Sarkozy, lorsqu'il annonce être décidé à relancer la construction européenne, tout en s'inscrivant en porte-à-faux des politiques communautaires de l'Union européenne? De son opposition ferme à l'adhésion de la Turquie à l'UE, à son désengagement de la politique budgétaire de l'UE (non-respect des critères de Lisbonne qui fixent, entre autres, les déficits publics à 3%), en passant par sa politique de l'immigration et jusqu'à son projet d'Union méditerranéenne, tout indique que M.Sarkozy, loin de clarifier le débat sur l'avenir de l'Europe et ses relations avec le reste du monde, le rend, au contraire, plus illisible, incertain, voire risqué. Mardi dernier, le président français a réitéré devant le Parlement européen sa ferme opposition à l'entrée de la Turquie dans l'UE. Chose connue diriez-vous, puisqu'il l'avait bien affirmé lors de sa campagne électorale. Oui, sauf qu'il avait, au lendemain de son élection, laissé apparaître un fléchissement dans son opposition, en déclarant qu'«il faut continuer les négociations avec la Turquie sur les chapitres principaux, et voir comment les choses évolueront d'ici 2012». Les observateurs en avaient conclu à un retour à la modération politique avec son accès à la fonction suprême de chef de l'Etat et au respect des engagements de la plus haute instance européenne, le Conseil, constitué de ses pairs. Rien de tout cela, M.Sarkozy s'entête à contredire de nouveau le Conseil européen. Autre angle «d'attaque» du président français: son projet d'Union méditerranéenne. Alors que personne ne sait son contenu, voilà que le président français déclare une chose et son contraire. Il avait laissé entendre que l'Union méditerranéenne serait construite sur de véritables institutions de coopération qui cerneraient les domaines les plus divers entre l'Europe et le Sud méditerranéen, tout le Sud méditerranéen. Le 8 novembre, après la clôture de la conférence des ministres des Affaires étrangères de l'Euro-Méditerranée tenue à Lisbonne, un haut fonctionnaire français en visite à Bruxelles déclarait, lors d'un débriefing à la presse que «l'Union méditerranéenne est plus un symbole qu'une réalité...et qu'elle serait assistée par un secrétariat léger, et que la structure d'ensemble devrait rester légère, uniquement basée sur des projets». On est loin de la mise en place d'un «Conseil Euromed permanent» à l'image du Conseil de l'Europe, promis par Sarkozy. Si l'on ajoute les appréciations négatives sur ce projet avancées par la vice-présidente de l'UE, en charge des relations extérieures et de la PEV, Mme Bénita Ferrero-Waldner, il est pour le moins légitime pour les pays Sud-Méditerranée de s'interroger sur le sérieux d'un tel projet. Sarkozy confond-il, à dessein, discours politique électoraliste et gestion des affaires de l'Etat? Depuis son accession à la magistrature suprême de la France, il donne des signes de faire cavalier seul au sein de l'UE, tant ses premières décisions économiques au niveau national enfreignent les engagements de la France au sein de l'UE. A commencer par le déficit public qui dépasse les 4%, alors que la France s'était engagée à revenir aux 3% fixés par le Traité de Lisbonne sur les convergences économiques. La suppression de l'impôt sur les successions (15 milliards d'euros), la défiscalisation des heures supplémentaires, la réduction d'impôts sur les grandes fortunes...Tout indique, mathématiquement parlant, une aggravation des dettes de l'Etat. Du coup, une telle politique ouvre la porte à d'autres Etats de l'UE pour lever les contraintes fiscales et autres récessions sociales sur leurs populations. Bonjour les dégâts au sein de l'Europe! Enfin, la politique discriminatoire sur l'immigration de M.Sarkozy n'est pas pour faire avancer l'Europe vers une politique commune sur la question. Il trouvera sur son chemin aussi bien les organisations des droits de l'homme que les partis politiques de gauche et progressistes. Au rythme où il conduit les affaires de l'Etat français, et surtout des décisions prises souvent dans la précipitation, Sarkozy, au lieu de relancer la construction européenne et de renforcer la coopération avec les pays du Sud-Méditerranée, brouillera plus les chemins d'une coopération juste et équilibrée, et n'aidera en rien les ambitions d'une Méditerranée «Lac de paix».