Si la démocratie n'a pas de prix, elle a en revanche un coût. Dans les pays en transition vers un système démocratique, comme c'est le cas en Algérie, la transition nécessite une politique volontariste de l'Etat, afin de mener à bon port les réformes politiques. Mais si l'Etat paie un prix fort pour financer le coût de la transition économique, à l'instar de la réforme bancaire et financière qui engloutit des sommes colossales, qu'en est-il du rôle de l'Etat concernant le coût que nécessite la transition politique afin d'ancrer dans le pays la démocratie et la modernité politique ? Et à l'approche des élections législatives du 17 mai prochain, la question relative au financement des partis politiques ressurgit. Car, si dans des pays à traditions démocratiques avérées le législateur a, par touches successives, défini de manière transparente le financement des partis, afin que ces derniers puissent jouer pleinement leurs rôles de médiateurs entre l'Etat et les citoyens, et échapper par là même aux financements occultes et garder leurs autonomies face aux lobbies de la finances, il en est tout autrement chez nous. Les aides de l'Etat se font-elles encore dans l'opacité, dopant certains partis jugés dociles et malléables à merci et poussant certains d'autres, jugés subversifs à renoncer à leurs idées ou à chercher des financements occultes et souvent venant d'Etats ou associations extérieurs moyennant parfois un droit de regard dans les affaires intérieures du parti et par ricochet dans celles du pays ? En réalité, les spéculations vont bon train sur ce qu'on pourrait désigner par " une forme de reconnaissance du ventre " de certains partis accrochés aux mamelles de l'Etat auquel ils s'apparentent. La loi interdit bel et bien tout financement extérieur des partis. Les dispositions actuelles stipulent que les partis ne peuvent être financés que par les cotisations de leurs militants, sur les dons et legs mais ils sont limités et nécessitent l'aval du ministère des finances. Des dons qui ne doivent pas dépasser les 20% du revenu mensuel de la personne, alors que la subvention de l'Etat a été fixée à hauteur de 200 000 DA par élu national (député et sénateur). Selon Hamid Ouazar, ex-député et ancien militant du FFS, " les partis politiques sont des institutions de la république qui permettent de réaliser cette transition, donc ils ont le droit d'être financés. Les autorités cherchent les failles dans les partis mais en occultant leurs responsabilités pour l'octroi des financements qui leur faut ". Et d'ajouter : " On leur dénie le droit d'être des médiateurs entre les citoyens et l'Etat ". Selon cet ancien cadre partisan, " Si le FLN a été contraint à partir des événements d'octobre 1988 de partager le champ politique avec d'autres formations , il n'a cependant pas accepté de partager son immense patrimoine immobilier, qui appartient au peuple algérien, et ce au moment où certains partis n'ont pas encore de siège au niveau d'Alger ". La sensibilité de la question des financements des partis, et de la campagne électorale a été si frappante en ces temps d'agitation politique tous azimuts. Certains candidats déboursent des sommes fortes, pour se placer sur des listes et se faire élire. Si pour certains d'entre eux, la recherche de l'immunité parlementaire est si évidente, puisqu'ils jouissent d'un rang social enviable, d'autres le considèrent comme un investissement à fructifier une fois élus. C'est dire toute l'urgence d'une loi claire qui assurera de manière transparente le financement des partis, et mettre fin ainsi aux pratiques préjudiciables pour le devenir des partis politiques et des réformes politiques en général. Selon H. Ouazar, " le premier critère mis quasiment pour le choix des candidats par les partis politiques est que le candidat puisse avoir les moyens financiers de faire face à la compagne électorale, car nous avons la fâcheuse idée de reléguer à la charge des candidats les frais de compagne électorale. Ce qui n'est pas dénué de l'arrière pensée de concevoir une institution nationale comme le parlement, comme un lieu où l'on y va pour fructifier une situation sociale et professionnelle ". Et d'estimer que " quand on consent de financer soit même sa compagne, ça veut dire qu'on conçoit le parlement comme une institution pour s'enrichir. Et aujourd'hui, on assiste à des partis qui mettent carrément en vente la tête d'affiche pour chaque wilaya. C'est une pratique que l'on ne peut occulter, elle est réelle, et que le parti trouve légitime pour avoir les moyens de sa survie ". L'exemple Français Sous d'autres cieux, la multiplication des affaires judiciaires liées à au financement des partis politiques a rendu nécessaire la mise en place d'une législation. Dans un pays comme la France, et jusqu'en 1988, il n'existait pas encore de lois fixant les règles de financement des partis, ni de financement public. Depuis, des lois ont étés promulguées pour pallier à cette situation, d'autant plus qu'avec l'émergence du "marketing politique", le coût de la démocratie a fait exploser les dépenses des partis politiques. Les partis sont d'abord financés par des ressources privées. Il s'agit : des cotisations de leurs adhérents et de leurs élus, qui étaient traditionnellement la source de financement des partis de masse. Les cotisations sont généralement d'un montant peu élevé et ne suffisent pas à faire face aux dépenses de fonctionnement ; des dons des personnes privées, limités à 7 500 euros par an et par personne. Ils sont généralement obtenus au moment des élections et non dans le cadre normal du fonctionnement des partis ; depuis 1995, les dons sous quelque forme que ce soit des personnes morales (entreprises) sont interdits. La nouveauté, apportée par les lois sur le financement des partis, est le financement public des partis. Si, depuis longtemps, les dépenses électorales sont remboursées aux candidats ayant atteint un certain seuil (5 %), il n'en allait pas de même des dépenses permanentes des partis. Désormais, la loi prévoit un financement public accordé aux différents partis, en fonction de deux critères cumulatifs : les résultats aux élections législatives, pour ceux qui ont présenté des candidats ayant obtenu au moins 1% dans au moins 50 circonscriptions, et le nombre de parlementaires. Fait nouveau, et en cas de non respect de la parité hommes-femmes pour la présentation de candidats aux élections, les formations sont pénalisées financièrement. Ce dispositif est complété par un strict encadrement du financement des campagnes électorales dont les dépenses sont plafonnées et récapitulées, comme les dons, dans un compte de campagne établi par un mandataire financier et certifié par un expert comptable, puis transmis à une commission spécialisée pour vérification. Enfin, afin d'éviter les cas d'enrichissement personnel liés à leurs fonctions, les élus sont tenus de déclarer l'état de leur patrimoine en début et en fin de mandat. L'aide de l'Etat est devenue, désormais, la première source de financement des partis politiques, empêchant ainsi la dépendance par rapport à des donateurs privés. Mais à propos de l'égalité des chances, un rapport du parlement a jugé cela comme " un formidable avantage donné aux partis existants, au détriment des partis émergents. C'est une sorte de prime à l'immobilisme, mais certainement pas au renouvellement des idées et des hommes… ". Et de considérer qu'avec un tel dispositif, " il est devenu à peu près impossible de créer et de développer un parti politique capable de tailler des croupières, dans la pratique, aux partis historiques existants ".