L'annonce par la presse nationale de la venue du chanteur Enrico Macias en Algérie commence à soulever des remous. Cette information, non encore officielle, relayée par la presse française qui rapporte que le chanteur constantinois pourrait se voir confier une mission dans le cadre du projet d'Union méditerranéenne de Nicolas Sarkozy, a régénéré «l'atavisme dans certains esprits malintentionnés» pour reprendre l'expression d'un homme politique algérien. Mais en quoi la venue de ce chanteur dérange-t-elle l'Algérie? Sur le plan ethique, le retour de cet artiste qui a chanté l'Algérie sa terre natale, ne pose aucun problème. La seule fausse note peut-être chez Macias est son soutien déclaré et affiché envers l'Etat hébreu. Beaucoup de Français qui se disent amis de l'Algérie sont également supporters d'Israël. Mais là aussi, faut-il faire la nuance entre l'entité sioniste et son caractère de judaïté. Algérien dans l'âme, Enrico Macias n'a jamais coupé ses liens artistiques avec son pays d'origine. Et cette qualité ne pourra jamais s'éroder, quelle que soit la résistance qu'on lui opposera. La majorité des Juifs d'Algérie sont revenus et visité le pays qui les a vu naître et grandir. Si Enrico Macias n'a pas eu cet honneur, il a, en revanche, eu celui de voler la vedette dans les manchette des quotidiens nationaux. On a fait de Macias un martyr, un héros, lui qui n'est qu'un chanteur, un grand chanteur du reste. Au milieu des années 90 alors qu'il visitait pour la première fois un pays arabe, l'Egypte, en foulant le sol du Caire à sa descente de l'avion, il a fait cette déclaration: «c'est comme si j'ai embrassé celle de mon pays natal, l'Algérie». Et si on regardait «le problème» sous un autre angle et cessait d'être plus royaliste que le roi? N'est-ce pas que nos voisins de l'Est et de l'Ouest sont plus pragmatiques en tirant profit de la présence juive chez eux mais aussi de leurs ressortissants? Pour des raisons non écrites, il n'est pas toujours indiqué de se prononcer de manière brute sur ce sujet, mais osons pour une fois la question: qu'avons-nous fait de nos Juifs? Des Juifs algériens il y en a eu et pas des moindres: le patron de la musique malouf Cheikh Raymond, le champion du monde de boxe Alphonse Halimi, le vice-président de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord, de la Banque mondiale, Jean Louis Sarbib, l'éditorialiste et ex-présentateur de la messe de 20 heures sur France2, l'historien Benjamin Stora, le comédien et écrivain français né à Belcourt, beau-frère de l'ex- président François Mitterrand, Roger Lévy, dit Roger Hanin, le grand journaliste fondateur du Nouvel Observateur, Jean Daniel Bensaïd. Ne posez surtout pas la question «comment s'appelle votre Bible» aux étudiants en Physique dans les universités algériennes, car c'est par le nom de Claude Cohen Tanoudji, qu'ils vous répondront. Le professeur Tanoudji, Juif de Constantine, est détenteur du prix Nobel de physique en 1997, excusez du peu. Pour ne citer que ceux-là, la liste est loin d'être exhaustive. Mais quel est donc ce pays au monde qui se permet le luxe de refuser une pareille éminence grise? Il faut être totalement dépourvu de raison pour laisser filer entre les mains un pareil trésor intellectuel. Au lieu de se dépenser sur la venue ou non d'un chanteur, n'est-ce pas la sécurité alimentaire, c'est-à-dire l'accès régulier à des quantités suffisantes de vivres et à des prix raisonnables qui intéresse aujourd'hui les Algériens? C'est la vraie problématique qui doit tarauder les esprits de nos vaillants ministres, maintenant que des produits de large consommation comme le blé, le lait et la pomme de terre, risquent d'échapper au contrôle de l'Etat et tomber entre les mains des amateurs du lobbying. Et le lobbying, les Juifs en connaissent un bout.