A moins d'une semaine de la visite du président français en Algérie, le Quai d'Orsay réagit aux dernières déclarations du ministre des Moudjahidine. «Nous nous étonnons de ces propos, parus dans la presse, qui ne correspondent pas au climat de confiance et de coopération dans lequel nous préparons la visite d'Etat du président de la République». C'est ce qu'a déclaré, hier, à la presse, Pascale Andréani, porte-parole du ministère français des Affaires étrangères. Pour sa part, après ses déclarations dans les colonnes du quotidien El Khabar, accusant implicitement le président français, Nicolas Sarkozy de devoir son élection au «lobby juif», le ministre des Moudjahidine a cru apporter quelques précisions. Dans une déclaration à l'APS, il tente d'atténuer ses propos. Doutes sur une visite Il affirme qu'il n'a jamais été dans son «intention (...) de porter atteinte à l'image d'un chef d'Etat étranger». M.Mohamed Chérif Abbas affirme même avoir appris «avec beaucoup d'étonnement et de mécontentement certains propos» qui, dit-il, lui ont été prêtés par «certains journaux». Plus explicite, le ministre des Moudjahidine souligne qu'il n'a jamais été dans son intention «d'enfreindre le principe que respectent tous les responsables algériens et que m'impose mon obligation de réserve, celui de ne jamais porter atteinte à l'image d'un chef d'Etat étranger». Imputant l'interprétation de ses déclarations à la presse, le ministre dit qu'«il ne peut assumer les spéculations irresponsables d'un quelconque journal sur un chef d'Etat ami, plus spécialement à la veille de sa visite en Algérie». Deux déclarations, qui interviennent à moins d'une semaine de la visite du président français en Algérie. Selon certains observateurs au fait des relations algéro-françaises, cet «incident» risquerait d'ajourner la visite du président français à Alger. Pour argumenter leurs propos, les mêmes observateurs rappellent que c'est le deuxième incident qui intervient en l'espace de quelques jours, après celui du chanteur pied-noir Enrico Macias. Mais les propos de Mohamed Chérif Abbas ont une grande symbolique, son département étant directement lié au dossier du «devoir de mémoire» que partagent les deux pays. Un dossier qui demeure entier et dont dépend l'avenir des relations entre les deux pays. Il convient de rappeler que dans un entretien accordé à El Khabar, le ministre des Moudjahidine jette un pavé dans la mare en déclarant: «Vous connaissez les origines du président français et ceux qui l'ont amené au pouvoir.» Avant de s'interroger: «Saviez-vous que les autorités israéliennes avaient mis en circulation un timbre à l'effigie de Sarkozy, en pleine campagne électorale?» Selon M.Abbas, «il n'y aura pas de normalisation des relations avec la France sous l'ère Sarkozy», lequel doit son élection «au lobby juif» qui, dit-il, a «le monopole de l'industrie en France». Et d'ajouter: «Pourquoi Bernard Kouchner, une personnalité de gauche, a décidé de sauter le pas (en entrant au gouvernement)? Cela ne s'est pas fait pour des croyances personnelles. C'était le résultat d'un mouvement qui reflète l'avis des véritables architectes de l'arrivée de Sarkozy au pouvoir, le lobby juif qui a le monopole de l'industrie en France.» A l'origine de la polémique Dans le même entretien, le ministre estime que «la venue d'Enrico Macias est une provocation». Une déclaration qui intervient au lendemain des propos tenus par le secrétaire général du FLN et néanmoins chef de l'Exécutif, M.Abdelaziz Belkhadem. Ce dernier avait déclaré en exclusivité à L'Expression ne pas avoir changé d'avis quant à une éventuelle visite d'Enrico Macias, opposant ainsi un niet catégorique à cette visite. Les déclarations de M.Abbas ne sont pas passées inaperçues. Les médias français ont aussitôt sauté sur l'occasion, qualifiant d'«insinuations antisémites» les propos du ministre des Moudjahidine. Le Figaro écrit que «le dérapage contrôlé de ce membre du gouvernement (M.Abbas: ndlr) n'a guère ému les milieux politiques algériens.» Dans un article signé Florence Beaugé, le quotidien Le Monde estime que «même si Sarkozy va passer d'importants contrats avec l'Algérie, il reste que le volet politique est en deçà des attentes». La visite, fin octobre, du président français au Maroc, a surpris et déçu à Alger. Qu'il s'agisse du projet d'Union méditerranéenne ou de coopération en matière de nucléaire civil, c'est au Royaume chérifien que le président Sarkozy a réservé ses premières déclarations «fondatrices». «La France semble toujours considérer le Maroc comme un partenaire privilégié, et l'Algérie n'a pas senti le rééquilibrage espéré avec l'arrivée de Nicolas Sarkozy à l'Elysée», ajoute Le Monde. Il est, ainsi, à se demander si cet échange d'accusations annonce un autre coup de grisou entre les deux capitales?