Contre les problèmes éternels, les autorités algériennes optent pour des solutions précaires. Jamais l'Algérie indépendante n'a atteint pareil degré de fragilité. Même aux pires moments de la guerre civile, au milieu des années 90, et avec le baril à 10 dollars, la sécurité alimentaire du pays n'était pas aussi menacée. Aujourd'hui, la flambée des prix des produits de première nécessité, notamment le lait, la semoule et la pomme de terre, met de nouveau sur la table la problématique de la sécurité alimentaire en Algérie. Alors que tous les voyants sont au rouge, aucune perspective ou stratégie de la part des pouvoirs publics, qui ont recours à des politiques de replâtrage comme l'importation et les subventions, ne semble se mettre en place. La dernière décision relative à la subvention des prix de la semoule n'est pas pour rassurer les consciences taraudées par le spectre d'une grave crise alimentaire dans le pays. Aux problèmes graves et très sérieux, les responsables algériens préfèrent appliquer des solutions précaires. Les observateurs estiment que la subvention, à partir du mois de janvier prochain, des prix de la semoule, ne règlera en rien la crise qui risque de s'exprimer violemment dans les prochains mois. Par ce fait, l'Etat encourage plutôt l'importation au détriment de la production locale. En somme, c'est la mise à mort de la production nationale. Les observateurs se demandent, en effet, si la politique de subvention adoptée par le gouvernement ne connaîtra pas le même sort que celle appliquée à la sempiternelle crise du lait. Il faut le dire: la subvention des prix du lait, tel que cela a été promis et prôné, par les autorités locales, a essuyé un échec cinglant. La preuve est illustrée par le cas des «producteurs» de lait qui n'ont pas encore perçu les aides tant attendues. L'attente, qui a commencé le début du mois d'octobre dernier, se poursuit. Pourtant, lors de la réunion des industriels et producteurs de lait, tenue au début novembre dernier à Alger, le directeur de l'Onil (Office national interprofessionnel du lait), M.Benyoucef, avait assuré que son organisme a déjà importé des quantités considérables de poudre de lait. Pour la distribution, l'Office qu'il dirige attendait que la Fédération des producteurs et transformateurs de lait lui transmette la liste de ses membres ainsi que leurs besoins en la matière. En vain. Jusqu'à présent, et deux mois après, rien n'a pointé à l'horizon. Devant pareille situation, le stock en poudre de lait, dont disposent les «producteurs» étant consommé, plus de 84 «producteurs» sont contraints de mettre la clé sous le paillasson. Du coup, le lait s'est fait de plus en plus rare. Devant cette situation de fait accompli, ce sont les ménages qui paient les pots cassés. Et encore une fois, la politique prônée, tambour battant, par le gouvernement a montré ses limites. De ce drame qui se joue à ciel ouvert, les responsables algériens ne semblent pas retenir les enseignements. Cela rappelle, incontestablement, le scandale de la pomme de terre pourrie, importée du Canada. En ce sens, d'aucuns peuvent se permettre de se poser une question d'autant plus importante qu'elle est souvent esquivée par les hauts responsables: pourquoi procède-t-on à l'importation de la pomme de terre lorsque les terres agricoles nationales sont capables de répondre à la demande locale en la matière? La réponse est toute simple: l'Algérie n'a jamais mis en place une politique agricole adéquate. Il est sans doute important de signaler que les besoins mensuels des Algériens en pomme de terre sont de 1,4 million/tonnes. Il serait, peut-être, plus important encore de savoir que la capacité de production nationale est de 2,5 millions tonnes par mois. Mais en l'absence d'une stratégie agricole nationale, l'Algérie est contrainte d'importer ce tubercule qui, parfois, est de piètre qualité. En outre, si on prend en compte ce que consacre l'Etat à l'agriculture, à savoir 3% du budget national, on en déduit que la volonté politique à même de promouvoir ce secteur n'existe pas. L'Algérie, qui a tendance à compter sur les importations, va, inévitablement, se retrouver dans une situation de crise inextricable. Avec une superficie de plus de 2 millions de km², l'Algérie demeure tributaire des fluctuations des marchés internationaux. En sus, avec l'appréciation de l'euro, la facture de l'importation devient de plus en plus salée. Enfin, pour venir à bout de cet inquiétant casse-tête chinois, les experts estiment qu'il est nécessaire de mettre en place les mécanismes nécessaires à même d'encourager une production locale durable. Sans quoi, l'Algérie sera toujours guettée par une crise alimentaire aiguë.