«Lorsqu'un peuple veut la vie, force est au destin de répondre. L'injustice sera bientôt bannie et les chaînes devront rompre.» (Abdul Kasim Chabi, poète tunisien, 1909 - 1934) L'histoire aime à se répéter, dit-on. Tout au long des siècles, le Kosovo eut à faire face aux occupations grecque, romaine, turque pour finir au XXe siècle, en 1912, dans l'escarcelle slave suite à la chute de l'empire ottoman. Partie intégrante de l'ex-Fédération de Yougoslavie, le Kosovo n'a jamais cessé de revendiquer son identité propre (dont la langue albanaise), à tel point que le pouvoir central yougoslave lui accorda, en 1972, une large autonomie politique et institutionnelle. 30 ans plus tard, en 1981, des manifestations et révoltes sporadiques de Kosovars ébranlèrent, en pleine guerre froide, le pouvoir central de Belgrade. L'affrontement entre l'Etat fédéral yougoslave et les Kosovars se durcit avec l'arrivée au pouvoir de Slobodan Milosevic, en 1987. Ce dernier supprime de facto l'autonomie politique du Kosovo en 1989, et mène la chasse aux nationalistes du Kosovo. 1989 est l'année de la chute du mur de Berlin, qui marqua la fin de la puissance de l'ex-URSS et celle de la guerre froide. Désemparé, le régime de Milosevic lance une opération d'épuration ethnique contre les Kosovars albanophones et encourage les Serbes à s'implanter dans le Kosovo. Le but étant de modifier la structure ethnique de la province, pour ensuite valider l'occupation par un vote populaire. Face à cette politique de la terre brûlée de Belgrade, les Kosovars organisent, dans la résistance, des élections qui porteront feu Ibrahim Rugova à la tête d'un gouvernement provisoire. Ils montent en parallèle la résistance armée qui deviendra l'Armée de libération du Kosovo (UCK). En 1998, alors que la Bosnie, la Slovénie, la Croatie ne font plus partie de l'ex-Yougoslavie, et que le Monténégro a acquis une très large autonomie, Slobodan Milosevic lance toutes ses forces armées contre les indépendantistes du Kosovo. L'UCK ne parvient pas à stopper l'extermination du peuple kosovar. Les médiations de la communauté internationale, particulièrement celle initiée par l'Union européenne le 6 février 1999 (Conférence de Rambouillet), n'aboutissent pas à la paix. Une dernière chance est donnée à Belgrade avec la Conférence de Paris au début de mars 1999. Le 24 mars 1999, constatant l'échec de l'initiative européenne, l'Otan commence, sous mandat des Nations unies, le bombardement de la Serbie. Il durera deux mois, avant que le dirigeant serbe, Milosevic, abdique et signe les accords de paix du 9 juin. La résolution 1244 du Conseil de sécurité de l'ONU place le Kosovo sous administration internationale (Minuk). En novembre 2005, l'ex-président finlandais Martti Ahtisaari est désigné par le secrétaire général de l'ONU pour mener les pourparlers sur le statut final du Kosovo. Il consulte le Groupe de contact reconduit pour le Kosovo, composé des ministres des Affaires étrangères (AE) de la France, l'Angleterre, l'Italie, l'Allemagne, l'Irlande du Nord, la Russie et les USA. En février 2007, l'envoyé spécial de l'ONU pour le Kosovo, Martti Ahtisaari, présente ses conclusions à Belgrade et à Pristina (capitale du Kosovo). Le rapport donne une large autonomie au Kosovo avec des garanties pour les populations serbes vivant dans la province (200.000 Serbes environ). Rien n'y fait, les positions des deux parties sont inconciliables. Les leaders du Kosovo veulent l'indépendance totale, Belgrade refuse. Durant l'année 2007, les choses se compliquent avec le soutien de la Russie à la Serbie pour le maintien du Kosovo dans son giron. Avec son droit de veto au Conseil de sécurité de l'ONU, la Russie bloque ainsi tout projet de résolution allant dans le sens de l'indépendance du Kosovo. Face à cette situation de blocage, les leaders kosovars commencent un travail diplomatique en profondeur pour contourner l'obstacle. S'étant assuré le soutien des USA et des principales capitales européennes, ils décident d'organiser les élections générales prévues dans le plan onusien, le 3 février 2008, et annoncent la proclamation unilatérale de leur indépendance pour le 17 février prochain. La date n'est pas fortuite, car le lendemain, le 18 février, se tiendra la réunion des ministres des AE de l'UE à Bruxelles. Ils devront se prononcer sur l'indépendance de fait prononcée par les Kosovars. Comme pour pousser les pays européens qui hésiteront à reconnaître l'indépendance (Espagne, Chypre, Grèce, Slovaquie, Roumanie, Bulgarie...), Hashim Thaçi, le nouveau leader kosovar (ex-chef de l'UCK), vient de déclarer qu'«une centaine de pays sont prêts à reconnaître l'indépendance du Kosovo dès sa proclamation». Cependant, quel que soit le nombre d'Etats qui reconnaîtront l'indépendance du Kosovo, il lui restera un obstacle de taille: son adhésion à l'ONU. La Russie a déjà averti qu'elle mettra son veto pour l'accès du nouvel Etat à l'institution internationale. Ce sera l'autre bataille qui attend la nouvelle nation. Diplomatique celle-là. Le temps fera les choses, comme celui qu'il lui a fallu pour se battre et patienter depuis des lustres pour aller au bout de son rêve: la liberté.