Le rapatriement des prisonniers algériens en Libye nécessite un accord bilatéral. 300 Algériens croupissent dans les prisons européennes. Ils sont condamnés en France et en Espagne pour appartenance à des réseaux terroristes. Le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme, (Cncppdh), M.Mustapha Farouk Ksentini, a affirmé, jeudi, sur les ondes de la Chaîne II que «les dossiers de condamnation sont vides, sachant qu'ils ont été établis dans la précipitation et sans le respect des procédures légales». Le profil des 300 prisonniers fait d'eux des coupables idéals aux yeux de la justice européenne «Il sont musulmans, issus de surcroît d'un pays où le terrorisme a fait des ravages», a-t-il souligné. La conjoncture mondiale marquée par la lutte antiterroriste joue en défaveur de ces prisonniers. «Il rend, reconnaît-il, puéril toute tentative d'intervention de la part des autorités algériennes.» Néanmoins, cela n'a pas empêché Ksentini de défendre le travail fait par les autorités algériennes «qui ne restent pas les bras croisés» devant la situation des ressortissants algériens emprisonnés dans les pays étrangers. Le ministère algérien des Affaires étrangères «s'occupe très sérieusement» de ces dossiers. Il a ajouté que l'intérêt porté par les autorités algériennes à leur sort, fait que les pays concernés «se surveillent» pour ce qui est de leur traitement. «Cela permettra à nos ressortissants de préserver tous leurs droits.» «La politique étrangère algérienne est très efficace, a-t-il encore souligné, estimant que les démarches qui aboutissent sont celles qui se font dans la discrétion». Partant de ce principe, Ksentini a refusé de divulguer les résultats des négociations menées avec la partie américaine sur les prisonniers de Guantanamo: «Je ne sais pas s'il est dans l'intérêt des Algériens de divulguer les tenant et aboutissants de ces pourparlers.» Concernant les prisonniers en Libye, Ksentini a révélé avoir rencontré leurs familles. Ce dossier doit être géré, selon lui, avec pragmatisme. «Le rapatriement des Algériens condamnés en Libye à des peines de mort ou à perpétuité passe inéluctablement par la signature d'une convention d'extradition entre les deux pays. Comme celle qui a permis le rapatriement des infirmiers bulgares» L'invité de la Chaîne II a reconnu la complexité de la tâche, mais rassure que les négociations avancent bien. «Nous voulons alléger la peine des familles des prisonniers, lesquelles se trouvent obligées de dépenser jusqu'à 20 millions de centimes lors de leur déplacement en Libye.» Abordant la question de la peine de mort, l'orateur, qui a réitéré son adhésion à son abolition, a affirmé que cela «n'est pas en contradiction avec la charia», avant de se féliciter du fait que l'Algérie soit le seul pays arabe à avoir ratifié la Convention internationale relative à l'abolition de cette peine. «Il faut faire en sorte qu'elle soit abolie pour ne plus en parler. L'Algérie devrait suivre dans ce sens, les pays avancés.» Dans un autre chapitre, Ksentini s'est prononcé pour l'abrogation de l'article 74 de la Constitution qui limite le mandat présidentiel. Interrogé, par ailleurs, sur les droits culturels et linguistiques en Algérie, M.Ksentini a assuré que «la langue amazighe sera, tôt ou tard, officialisée», appelant cependant, à ce qu'elle soit développée. Apostrophé sur la polémique de l'évangélisation, le président du Cncppdh a souligné que Henri Tessier lui a transmis ses inquiétudes quant à la campagne de manipulation menée contre l'Eglise catholique par la presse algérienne. «Il m'a rassuré que son Eglise n'a rien à voir avec cette question.» Il a plaidé dans ce sens pour le dialogue et l'ouverture d'esprit de part et d'autre afin d'éviter tout dérapage. Abordant le dossier sécuritaire, Ksentini a fait part de la demande formulée par les familles des personnes appartenant au groupe Bouali, tuées durant les année 80, de bénéficier des dispositifs de la Charte. La commission, note-t-il, est en train d'étudier chaque cas avant de trancher. Par ailleurs, Ksentini atteste que 90% des familles des disparus ont été indemnisées. Pour Ksentini, l'Etat d'urgence n'a jamais gêné les libertés politiques et individuelles, plaidant sur sa lancée, pour son maintien. Sur le phénomène des harragas, il a estimé que si la loi interdit l'émigration clandestine, les personnes impliquées devraient écoper de «sanctions légères». «Il faut être désespéré» pour recourir à l'émigration clandestine, a-t-il souligné, appelant à la création d'emplois au profit des jeunes, seule à même de mettre un terme à ce phénomène. Enfin, le conférencier emboîte le pas au ministre des Moudjahidine, en soulignant que les archives restituées aux Algériens glorifient le passé colonial de la France.