La décision des organisateurs du Salon du livre de Paris de placer cette manifestation culturelle sous le signe d'Israël a complètement faussé le sens d'un événement éminemment pédagogique, transformé en la circonstance en tremplin politique pour l'Etat hébreu. Que l'on ne s'y trompe pas! Il n'y a là aucune appréciation antisémite, mais le constat d'une instrumentalisation d'un événement littéraire. Ce Salon du livre aurait dû rester ce qu'il est, une manifestation culturelle, mais détourné de sa vocation avec pour seul résultat de diviser la communauté littéraire et de susciter la suspicion. En invitant le président israélien, Shimon Peres, en plaçant sous son égide le Salon du livre, les organisateurs parisiens ont, en réalité, politisé cet événement en lui donnant une tonalité qui n'aurait pas dû être la sienne. Shimon Peres, quoi qu'en pensent ceux qui l'ont invité, représente une politique agressive qui n'a pas hésité à avoir recours aux assassinats ciblés pour faire taire la revendication palestinienne du droit à un Etat indépendant. Nombreux sont d'ailleurs les écrivains israéliens, sans doute présents à Paris, qui condamnent la politique insensée de leur gouvernement qui pratique l'apartheid envers les Palestiniens, qui a morcelé les territoires palestiniens occupés en «bantoustans», qui exerce sur les Palestiniens une répression, qui suscite la résistance qu'il a beau jeu ensuite de qualifier de terrorisme. C'est cette vérité que les organisateurs parisiens ont refusé de voir. Il n'est nullement question ici de l'Etat hébreu en tant que tel, dont l'existence n'est pas remise en cause par les Arabes qui, a contrario, ont proposé un plan de paix lors du sommet de Beyrouth en 2002, un plan de paix rejeté par le gouvernement israélien. C'est trop facile d'accabler les Arabes et de passer par perte et profit les errements et l'irrédentisme d'Israël. C'est encore particulièrement vrai de la part de certains médias français qui sont tombés dans l'amalgame en donnant une lecture biaisée du boycott des intellectuels arabes du Salon du livre qui, pour cette édition, n'aura de littéraire que le nom. CQFD. Ce qu'a fait avec foi et passion l'invité de la rubrique «A Coeur ouvert» avec L'Expression, le professeur Mustapha Chérif.