Envahis par les cultures de l'Occident et des pays arabes, les jeunes Algériens tournent le dos aux traditions qui risquent de disparaître. Dévorée! La culture algérienne est en voie de disparition. Le constat est peu reluisant. Ce phénomène risque de prendre de l'ampleur selon des sociologues. La majorité des jeunes Algériens préfèrent les cultures venues d'ailleurs. Et selon les psychologues, ils sont des «fashion victimes». Des victimes qui ne savent plus quoi suivre. Plus de repères ni de liens avec les traditions des parents. Ils ne savent plus sur quel pied danser. Les jeunes sont devenus des personnages qui s'inspirent de la télé-réalité. Des clones de leurs idoles qui font la une des télévisions étrangères, des magazines et des publicités dans le monde. Il y a, en plus, deux tendances qui s'affrontent. Celle des pays arabes et celle de l'Occident. Une culture télévisuelle diffusée sur les chaînes de télévisions étrangères. «Une génération télé» un constat établi par plusieurs études faites à l'échelle mondiale. Perdus, ces jeunes qui n'ont pas encore trouvé de repères! Ils préfèrent soigner leur apparence qui est pour eux plus essentielle qu'autre chose. La mode, la musique ce sont bien les premiers repères. Tant bien que mal, ils essayent de suivre coûte que coûte cette actualité. C'est une sorte de rêve pour ces jeunes. C'est aussi une manière de ne pas se sentir rejetés par les deux sociétés, algérienne et étrangère. Ce n'est plus un problème d'être un enfant du tiers-monde, la mode pour eux y a remédié d'une manière ou d'une autre, alors ils consomment sans retenue la mode. Elle tient une grande place dans la vie de tous les jours. L'image, que nous renvoyons aux autres, passe, hélas! tout d'abord, par le style de vêtements portés. En effet, tout le monde tient compte, plus ou moins consciemment, de la façon dont l'autre est habillé. La première impression que l'on a des gens est visuelle. En règle générale, le style vestimentaire d'une personne peut donner une première idée de sa personnalité, de son comportement affectif et social, didactique et professionnel. La situation est tout simplement d'avoir un look pour être accepté. Alors notre culture s'est faite dévorer par cette tendance. Désormais, le jeune dans notre pays préfère consommer la mode vestimentaire et la musique étrangères. Alors que l'Algérie vient de voir s'achever toute une année de manifestations culturelles, voilà que la réalité est tout autre puisque celle-ci est bien en train de perdre des points. Alors que la culture dans son sens le plus large est symbole de l'histoire de toute une région et d'un peuple. Et c'est l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société. L'histoire de l'homme a toujours montré que l'éducation était du seul ressort de la famille. Ainsi, le jeune ne pouvait développer une culture propre car il n'existait que deux âges:l'enfance qui est l'âge de la soumission aux adultes puis vient l'âge adulte et l'on emprunte le même chemin des plus âgés, entendre par là le fameux droit d'aînesse heureusement aboli. Ces dernières années, un phénomène est apparu. L'émergence d'un nouveau type de culture «la culture des jeunes». Mais cela signifie-t-il qu'il faille oublier sa culture et ses racines et se tourner vers celle des autres? Cette «nouvelle culture» qui n'a pas figuré parmi les manifestations du festival de l'année dernière. A l'heure actuelle, les jeunes penchent vers l'oubli de la culture algérienne. Ils préfèrent jouer dans la cour des cultures des pays arabes et de l'Occident. Alors, il y a bien naissance d'un nouveau mode de vie dans notre pays. L'émergence de cette situation provoquera certainement un autre phénomène. Il pourra générer un mixage des cultures. Selon des études, les sociologues estiment que les changements culturels s'imposeront d'eux-mêmes, c'est juste une question de temps. Concernant les vêtements et tout le reste, le changement des jeunes s'imposera tout simplement dans quelques années et les moyens mis à leur disposition sont phénoménaux. L'Internet, la télévision, la mode, les clips de chansons...le combat est perdu d'avance selon les sociologues. Le prix de l'ouverture serait alors de voir notre culture emballée dans des cartons à souvenirs et remisée dans nos greniers si ce n'est dans nos caves. Une mode propre à l'Occident. Cependant, l'Algérie n'a guère le choix au vu d'une production nationale stagnante voire à l'arrêt. Alors les jeunes n'ont vraiment d'autre solution que cette consommation directe. Aussi, la culture algérienne est mise à l'écart au moment où tous les pays protègent ce patrimoine identitaire. Même, les plus grandes villes des pays occidentaux ont un style architectural qui leur est propre, alors que chez nous, on suit cette tendance qui nous est étrangère.. A la recherche d'une meilleure existence Nous avons soumis un questionnaire à de jeunes lycéens de terminale, et à chaque réponse ils ajoutaient «c'est tellement évident de suivre». Pour ce groupe, il est question d'être au diapason de la population jeune dans le monde. «Pour moi, cette culture me donne le goût et la meilleure façon d'exister». Par ailleurs, on a constaté que les garçons et les filles ont les mêmes tendances. Encore, on n'ira pas jusqu'à dire qu'ils pensent de la même manière, ils préfèrent ce qui vient de l'autre rive. «Je ne cherche qu'à plaire et me mettre en valeur, cela fait partie de ma féminité». Pour Lisa, «c'est une question de goût, mais aussi de ne pas être ridicule devant ses amis». Ali déclare que «ce qu'on appelle "la génération du gel et des cheveux piqués" c'est la meilleure chose qui nous soit arrivée». Le groupe a nié toute influence mais croit qu'il s'agit de ressentir «qu'on fait partie du même monde». Le complexe de vivre la différence pour ces jeunes est impossible. Sans oublier qu'ils affectionnent aussi les «percings» et les tatouages. C'est évident que les tatouages faisaient partie de la culture de nos grands-mères. Alors, quelque part, il reste encore une lueur d'espoir! Plus grave encore, les jeunes filles vivent des problèmes beaucoup plus complexes, comme l'obésité, car la beauté est dès lors en danger. C'est ce qu'ont confirmé plusieurs filles rencontrées par L'Expression. La prise de poids est devenue pour ces filles une sérieuse préoccupation. Des filles qui n'osent plus porter des jeans ou bien des vêtements moulants à cause de quelques kilos de plus. Pour Sarah, «la silhouette est un atout et c'est tout le charme de la féminité». La séduction, la beauté, l'attrait pour un autre monde, alors, quoi les filles? n'y a-t-il plus de place pour votre culture? Sarah s'est empressée de nous répondre: «On a beau faire, il y aura toujours des entraves, mais il n'empêche, nous faisons tout pour nous libérer de ce poids. Rien n'est permis et pour le reste, on n'a que les fêtes traditionnelles!» Selon ces jeunes, la tradition algérienne ne correspond pas à l'évolution qui se fait ailleurs. Il faut suivre cette machine qui pousse tout le monde vers la même direction. Cela pourrait vouloir dire que d'ici quelques années la culture de l'Algérie va se dissoudre et sera exposée dans les musées et faire partie du patrimoine national...! Les stars, la gloire, la réussite et la reconnaissance mondiale. Voilà ce qui importe! La façon de s'habiller et de se comporter doit se faire à l'image de son idole. L'Algérien se veut être à la page et gare à lui d'être un ringard c'est-à-dire un has been! La mode Tecktonik fait fureur dans les discothèques algériennes, avec jean sleem compris. Mais il y a lieu de signaler que, quelque part, c'est une manière de se montrer et de se distinguer des autres. Le problème est que la création n'existe quasiment pas en Algérie. Ainsi, les stars algériennes qui n'ont pas de style particulier consomment aussi directement le «look» étranger. La mode, la gloire, les stars... Un secteur mythique qui n'est autre que le résultat de l'ouverture sur l'économie mondiale. Notamment les tendances vestimentaires et musicales. Il y a lieu de signaler que même le langage des jeunes n'a pas échappé à cette mutation rampante. Un langage est né ces dernières années dans les rues. Un langage utilisé par les stars et même par les animateurs de télévision. Il est devenu un moyen de communication entre les jeunes. Encore, ils donnent du fil à retordre, comme c'est le cas en France. Pour bien mener son travail, Mme Fadila Amara, secrétaire d'Etat française auprès de la ministre du Logement et de la Ville, chargée de la Politique de la ville, d'origine algérienne, utilise le langage des jeunes pour remédier un tant soit peu aux préoccupations des jeunes dans les banlieues des grandes métropoles de France. Des mots qui ne font pas partie de notre langue mais de notre quotidien. Fastoche (facile), poulet (policier), Kiffe (aime), texto (SMS), Bull shit (n'importe quoi), mec (homme), meuf (femme)...Tout un vocabulaire qui rappelle l'ère du Verlan. Ces jeunes, en suivant l'évolution de cette façon, croient qu'ils évoluent. Selon les sociologues, il y a une part de vérité dans tout cela, mais du coup, il y a une culture qui risque de disparaître si on continue sur ce chemin. «Suivre, c'est la meilleure façon de ressembler aux autres puisque l'Algérie demeure toujours en retard» déplore Rafik. Des jeunes, qui ont des tendances vestimentaires rock et r'n'b. Des codes qui ne correspondent aucunement aux nôtres. «Les gens qui ne suivent pas, sont en retard.» Pour les autres, c'est une façon de se distinguer. La mode est devenue la première préoccupation de nos jeunes, garçons ou filles. Il cherchent la différence qui pourrait leur apporter un peu de réconfort et de soutien. «En se mettant dans un moule plus facile à vivre», nous a confié Lylia. La culture venue des pays du Moyen-Orient n'en fait pas moins. Cette culture touche même les mariées qui veulent ressembler à leurs idoles à tout prix. Les codes vestimentaires, le maquillage, les coiffures. La tendance du port du voile ne vient-elle pas des pays arabes? Bien qu'il ne soit pas obligatoire dans notre pays, il est cependant recommandé dans le Coran de se couvrir les cheveux. Néanmoins, les jeunes Algériennes préfèrent le porter et l'adapter de façon élégante pour mieux paraître. Les idoles et les plus grandes personnalités des chaînes télévisées des pays arabes telles que Abir Sabri, Sabrine, Mouna Abedelghani, toutes des actrices connues, se sont mises au port du voile ces dernières années. Les préférences vestimentaires vont aussi du côté arabe. Quelle place occupe la culture algérienne dans tout cela? Lisa a estimé que cette culture fait aussi partie de la culture algérienne, «un patrimoine religieux» susurre-t-elle. Mais par rapport à la tendance des coiffures et du maquillage, la plupart des coiffeuses qui ont répondu à L'Expression, celle-ci est bel et bien arabe. Elle met en valeur la femme en général et la mariée en particulier. Dans cette optique, les Algériens risquent-ils de demeurer des consommateurs de mode? Adopter la culture des autres, n'est pas vraiment une solution durable selon les sociologues.