Dans un climat régional tendu, M.Bouteflika aura la lourde tâche de dépassionner les relations interarabes et tenter un rapprochement entre Damas, Le Caire et Riyadh. La visite du président Bouteflika au Caire, qui s'est achevée hier, tombe à point nommé au lendemain du 20e Sommet de la Ligue arabe qui a pris fin sur un constat d'échec. Il aurait été surréaliste d'espérer qu'une lueur d'espoir jaillisse de ce Sommet. «Le communiqué final d'un Sommet arabe a cela de confortable qu'il ne risque pas de réserver des surprises qui pourraient prendre le monde entier de court», a écrit le quotidien libanais L'Orient du jour, comme pour souligner la platitude de cette rencontre qui n'a eu de spectaculaire que les zèles burlesques du leader libyen Mouamar El Gueddafi. Deux grands absents ont fait de ce sommet une rencontre insipide. Il s'agit de l'Egypte et de l'Arabie Saoudite. Une absence qui a un nom: elle s'appelle punir la Syrie impliquée peu ou prou dans la crise libanaise. L'entremise du président syrien, Bachar El Assad, n'a pas réussi à occulter la profondeur des complications internes et régionales liées au dossier libanais qui donne des insomnies aux Arabes, et peur même aux puissances occidentales. La crise au pays du Cèdre remonte à l'année 2004, quand sous la pression syrienne, le Parlement libanais a décidé de prolonger de trois ans, jusqu'à septembre 2007, le mandat du président Emile Lahoud. Aujourd'hui, le Parlement libanais dominé par une majorité proche de la France et des Etats-Unis, a vu quelque 17 séances d'élection du président échouer. De ce fait, le Liban est sans président depuis le 24 novembre en raison de profonds désaccords sur le partage du pouvoir entre la majorité et l'opposition. L'Egypte, tout comme l'Arabie Saoudite, est mécontente du rôle de la Syrie au Liban. Pour marquer ce mécontentement, la délégation égyptienne à ce 20e Sommet de Damas s'est limitée à des représentants du président Moubarak. Dans cette histoire, il faut y déceler également la griffe américaine qui aurait pesé de toutes ses forces pour faire avorter cette rencontre. Sans grands efforts, l'Oncle Sam a presque réussi. Officiellement, la Syrie est en dehors de toutes ces tractations intra-libanaises. Mais les Etats-Unis et la France accusent le Hezbollah libanais d'être inféodé à la Syrie et à l'Iran. Pour les chancelleries occidentales, il n' y a aucun doute que la Syrie appuie et soutient l'opposition libanaise emmenée par le mouvement chiite Hezbollah. En revanche, Washington et l'Arabie Saoudite appuient la majorité anti-syrienne au pouvoir. Dans une déclaration distribuée aux journalistes, le président égyptien, Hosni Moubarak, a exhorté la Syrie à «ouvrir une nouvelle page dans les relations interarabes en bannissant les différends et les conflits» et appelé à «l'élection sans délai du candidat du consensus à la présidence libanaise». A ces divergences très profondes, il faut ajouter le climat régional bouillonnant, notamment avec la question palestinienne, la guerre en Irak et la crise du nucléaire iranien. C'est dire que l'équation de la crise libanaise est loin d'être une sinécure et il est de plus en plus difficile pour les Libanais d'entrevoir une issue. C'est à la star de la diplomatie arabe des années 70, en l'occurrence Abdelaziz Bouteflika, qu'échoit l'épineux dossier de réconciliation interarabe. Selon des échos diplomatiques arabes, le président Bouteflika a été chargé de plancher sur la crise libanaise. Et c'est dans ce climat tendu qu'il a été appelé à la rescousse des pays arabes pour sauver ce qui reste. M.Bouteflika aura ainsi pour mission de dépassionner les relations interarabes et tenter un rapprochement entre Damas, Le Caire et Riyadh. Le président Bouteflika aura également pour mission difficile comme celle de recoller les morceaux entre les Arabes et surtout de trouver des points de convergence à la rupture saoudo-syrienne qui demeure plus importante que jamais. Alger et Damas entretiennent des rapports privilégiés qui remontent à bien avant l'Indépendance, à l'époque de l'Emir Abdelkader. Alger et Téhéran sont également en très bons termes, en témoignent les médiations de l'Algérie dans le dossier du nucléaire et la visite du président iranien Ahmadinejad à Alger en 2006. Quant à l'axe Alger-Ryadh-le Caire, il n'est pas besoin de souligner la qualité exemplaire des rapports. C'est dire que l'Algérie a très bonne presse actuellement dans le monde arabe, en ce sens qu'elle est l'un des rares pays à faire le consensus dans la région. A ces arguments il faut rajouter le background du président Bouteflika en sa qualité de diplomate. Il a participé aux Accords d'Alger signés en 1975 entre le shah d'Iran, Mohammed Reza Pahlavi, et l'ex-président irakien Saddam Hussein; il a assisté aux réunions du Front du refus en tant que ministre des Affaires étrangères, pour ne citer que ces deux faits d'armes.