Le 20e sommet de la Ligue arabe s'est clôturé hier avec une série de résolutions et, surtout, des craintes quant à l'exacerbation des dissensions arabo-arabes dans un climat tendu au Proche-Orient. Damas (Syrie). De notre envoyé spécial C'est dans ce contexte de désagrément et de tension que l'Algérie a été appelée à jouer un rôle d'importance. « La Syrie, avec l'accord des autres pays arabes, a demandé au président Bouteflika d'entamer une médiation d'abord entre Damas et Le Caire, ensuite avec l'Arabie Saoudite », a indiqué à El Watan une source officielle syrienne. Abdelaziz Bouteflika s'est rendu hier en Egypte en quittant Damas pour une visite officielle de deux jours. « Bouteflika a été l'ami de Hafez Al Assad, Bachar le respecte beaucoup. Le président algérien a également une oreille attentive en Egypte et en Arabie Saoudite. D'un autre côté, la neutralité positive qu'adopte Alger dans les querelles arabo-arabes depuis des décennies lui a consacré un rôle d'arbitre discret. Mais efficace », a expliqué un expert occidental du monde arabe présent à Damas. « Nous nous en remettons toujours à la perspicacité du président Bouteflika lorsqu'il s'agit des grands problèmes », a laconiquement répondu hier Amr Moussa, secrétaire général de la Ligue arabe, à une question posée par une journaliste algérienne sur la « mission Bouteflika ». Dans l'entretien accordé à El Watan, l'ancien ministre de l'Information libanais, Michel Samaha, a précisé que le désormais président de la Ligue arabe, Bachar Al Assad, travaillera de concert particulièrement avec le président algérien. Car le temps presse. Les rumeurs de guerre enflamment la région et la vacance de pouvoir au Liban, les affrontements en Irak ainsi que les répétitives manœuvres militaires israéliennes et la situation à Ghaza accentuent une impression d'escalade qui pourrait embraser toute la région. A la question de savoir si une guerre est proche, le ministre des Affaires étrangères syrien, Walid Moallem, a répondu tout en nuance lors de sa conférence de presse tenue hier conjointement avec Amr Moussa. « L'homme intelligent se méfie d'une administration qui frappe sans savoir comment se désengager ensuite. On espère que la région sera épargnée, on évitera aussi aux Américains de nouvelles pertes », a déclaré le ministre syrien. « Si les Américains décident de frapper l'Iran, c'est toute la région qui s'embrasera. Le Hezbollah ne restera pas les bras croisés. Et Israël dira qu'elle a le droit de se défendre », prévient un expert. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la « déclaration de Damas » qui a sanctionné hier le sommet s'attache dans son premier point au « renforcement de la solidarité arabe de manière à protéger la sécurité nationale arabe et à garantir l'intégrité de chaque pays arabe, sa souveraineté et son droit à se défendre ». Quant au dossier libanais, titre de la grande discorde entre Damas d'un côté et Le Caire et Riyad de l'autre, il reste otage des grands équilibres des puissances étrangères. « Il faudra un effort syro-libanais soutenu par les pays arabes pour appuyer le secrétaire général de la ligue afin d'encourager le dialogue entre Libanais », a déclaré hier M. Moallem, exprimant également son désaccord avec les propos de son homologue saoudien, Saoud Al Fayçal. Ce dernier a déclaré, samedi lors d'une conférence de presse à Riyad, que « les obstructionnistes au Liban sont les mêmes qu'en Irak et en Palestine. Les tentatives visant à entraver l'initiative arabe au Liban et à pérenniser l'influence étrangère sur ce pays ont débuté dès l'assassinat de Rafic Hariri et se sont poursuivies avec les autres attentats, la démission des ministres chiites et la fermeture du parlement libanais sans la moindre justification constitutionnelle ou légale ». Fayçal a même pris un ton menaçant : « Il faudrait prendre de nouvelles mesures » si le sommet ne parvenait pas à résoudre la crise libanaise. Or, selon Moallem hier, il n'est pas question de lier le succès du sommet à une solution au Liban. Il a en outre révélé que pendant les séances à huis clos, un dirigeant a proposé d'examiner la question libanaise, mais les autres ont trouvé qu'il était mal placé de le faire en l'absence du Liban. Il n'est pas donc dit que les relations syro-saoudiennes puissent se réchauffer rapidement. Un défi majeur d'autant que les deux pays ont un poids considérable sur l'échiquier régional. Ni Damas ne peut souffrir d'une plus longue querelle avec la puissance saoudienne, ni l'Arabie Saoudite ne peut continuer à bouder le pays qui préside la Ligue arabe durant une année, avant le prochain sommet prévu à Doha, au Qatar.