La remise sur «selle» de l'ancien chef de gouvernement traduit, semble-t-il, la volonté du Président de remanier le gouvernement. Ahmed Ouyahia, secrétaire général du RND, s'envolera aujourd'hui pour assister à New Delhi, en qualité de représentant personnel du président de la République, au Sommet Inde-Afrique. Un communiqué laconique et bref émanant de la Présidence de la République a annoncé, dimanche soir, cette désignation pour le moins très surprenante. Pourquoi le choix est porté sur M.Ouyahia alors qu'il n'occupe aucun poste dans les institutions de l'Etat? Que signifie ce rapprochement entre les deux hommes politiques à la veille de la célébration du quatrième anniversaire de la réélection de M.Bouteflika à la tête de l'Etat? Un véritable mystère qui contribue à brouiller davantage les cartes politiques des observateurs et de l'opinion publique à un an de la présidentielle. Au lendemain de ladite désignation, toutes les lectures faites par la classe politique insistent sur l'effet surprise, même à l'intérieur du RND. «Honnêtement j'étais très surpris dimanche en écoutant le communiqué lu lors du JT de 20h annonçant la désignation de Ouyahia comme représentant personnel du président de la République», souligne un cadre du parti. Il ajoute: «Certes, un changement dans le ton a été enregistré dernièrement dans le discours du secrétaire général du RND, notamment par rapport à l'action du gouvernement, mais en aucun cas, on ne s'est douté d'un éventuel rapprochement entre Bouteflika et Ouyahia dans l'immédiat.» Selon d'autres sources, M.Ouyahia, qui a rencontré le président de la République samedi, aurait confié, à un cercle très proche, les intentions de M.Abdelaziz Bouteflika. Mais ce face-à-face «intervient suite à des contacts entamés depuis plusieurs mois dans les coulisses entre les deux hommes». Des contacts qui auraient amené le SG du RND à annoncer en janvier, après plusieurs semaines de suspense, son soutien à un troisième mandat pour le Président Bouteflika. Mais les choses ne se sont pas arrêtées là. Jeudi dernier, lors de la 2e réunion de la commission nationale de préparation du congrès du parti, M.Ouyahia a surpris tout son monde en mettant en relief les efforts de son successeur au gouvernement, M.Abdelaziz Belkhadem. Par ailleurs, un membre influent au Front de libération nationale (FLN) estime que cette désignation comporte trois messages essentiels. Le premier est destiné directement au FLN «un parti fragilisé par la guerre des clans». «Le président d'honneur du FLN avertit que dans le cas de division, le candidat potentiel à la présidentielle de 2009 a déjà l'alternative. Il s'agira, bien sûr du RND.» Le deuxième message serait adressé au chef du gouvernement Abdelaziz Belkhadem, qui a démontré son «incapacité de gestion dans les moments de crise, notamment face au malaise social, à la grogne des syndicats ou encore à l'affaiblissement du pouvoir d'achat». «Là aussi, le Président détient une alternative. Sa pièce maîtresse serait Ahmed Ouyahia», affirme notre source. Enfin, l'attitude du Président traduirait une volonté «de remanier un gouvernement atteint de léthargie». «Un gouvernement en manque de popularité n'arrange pas les affaires du Président qui est en quête d'un troisième mandat», soutient la même source. M.Ouyahia sera-t-il, dans la nouvelle carte politique, le nouveau chef du gouvernement? Ou se contentera-t-il, pour l'heure, du poste de représentant personnel du Président? Un poste qu'il avait déjà occupé, mais en qualité de ministre d'Etat en 2002, avant de succéder à M.Benflis à la tête du gouvernement. L'histoire va-t-elle se répéter? Quelles sont les garanties apportées à M.Ouyahia, sachant que, selon ses proches collaborateurs, l'homme «aurait juré de ne plus mettre les pieds au gouvernement sous l'ère de Bouteflika». Par ailleurs, certains cadres du FLN tentent de minimiser la portée du geste du Président. Ayachi Daâdoua, président du groupe parlementaire du FLN à l'Assemblée populaire nationale (APN), et l'un des initiateurs de la motion de censure contre M.Ouyahia en 2006, nous a affirmé que «cette nomination ne pose aucun problème au FLN». «L'ex-chef de gouvernement reste, de par son expérience diplomatique, à la disposition de l'Etat. Le président a le droit de lui confier des missions quand il le juge nécessaire.» Tout compte fait, la situation sera assurément clarifiée quand Ahmed Ouyahia, le représentant personnel du président de la République, sera de retour au pays.