Connu pour sa grande fragilité musculaire, le Jamaïcain ne faisait jusqu'ici pas partie des clients à suivre sur la ligne droite. Le Jamaïcain Usain Bolt, catalogué comme coureur de 200 m, a fait une irruption fracassante sur la planète 100m, en réalisant samedi à Kingston le deuxième temps de l'histoire (9.76) sur une distance dominée jusqu'ici par son compatriote Asafa Powell et l'Américain Tyson Gay. Loin derrière le premier, détenteur du record du monde (9.74), et le second, champion du monde du 100 m et du 200m l'an dernier, Bolt ne faisait jusqu'ici pas partie des clients à suivre sur la ligne droite. Et pour cause, il n'avait même pas encore couru sous les 10 sec. Son record n'était que de 10 sec 03, mais il l'avait établi «très facilement l'an dernier à Réthymnon», en Grèce, et égalé début mars en Jamaïque «en franchissant la ligne d'arrivée en marchant», selon son agent Ricky Simms. De là à imaginer un tel chrono...«J'ai été vraiment surpris quand j'ai vu le temps», avoue Bolt, qui recourra un 100m dans 15 jours à Trinidad, dans les Caraïbes. «Je pensais avoir 9 sec 85 dans les jambes». Les conditions idéales (chaleur, vent favorable de 1,8m/s, juste en dessous de la limite autorisée, 2m/s) ont sans doute grandement contribué à cette performance, que son entraîneur, Glen Mills, avait senti venir. «Je ne suis pas surpris car il a fait de bonnes choses à l'entraînement», a-t-il expliqué. «Ce n'est qu'un début.» Avec ce temps, Bolt (1,96m, 86kg) se hisse parmi les candidats à l'or olympique sur la ligne droite, même s'il n'a pas encore décidé de doubler 100m et 200m aux Jeux de Pékin. «C'est possible», précise Simms. «Il décidera avant les sélections jamaïcaines (27-29 juin), je pense. Son objectif est toujours le 200m, mais il a tellement bien couru la nuit dernière...» Jusqu'à présent, le Jamaïcain, recordman du monde juniors du 200m (19.93), à même pas 18 ans, en avril 2004, ne s'est jamais aligné en grand championnat sur 100m, à cause d'une grande fragilité musculaire, illustrée par son claquage en finale du demi-tour de piste aux Mondiaux-2005. Des problèmes réglés avec la fin de sa croissance, selon Simms, qui précise que son protégé a fait beaucoup de musculation cet hiver. Enfin, débarrassé des blessures, Bolt, qui fut à 15 ans et 332 jours le plus jeune champion du monde juniors de l'histoire sur 200 m en 2002, a fini par confirmer l'an dernier. Il a terminé 2e du 200m des Mondiaux d'Osaka derrière Gay, deux mois après avoir fait tomber le vieux record national de Donald Quarrie, en 19 sec 75. «Ca fait plusieurs années que Bolt fait partie des coureurs que l'on surveille», souligne Guy Ontanon, l'ancien entraîneur de Christine Arron et Ronald Pognon. «Ce n'est pas un illustre inconnu. Il a le potentiel pour faire un tel chrono. Il a pris conscience qu'il devait travailler le 100m pour s'améliorer sur 200m. Il s'inscrit comme un super prétendant et je pense que ça va lui donner des idées.» Cela va aussi interpeller ses adversaires, à commencer par Gay qui a salué cette performance, après avoir remporté le 200 m (20.00) lors de la même réunion samedi à Kingston. «C'était magnifique, a jugé l'Américain. Il a couru de manière très fluide.» Gay aura l'occasion de répondre à son nouveau rival le 18 mai à Carson, aux Etats-Unis. Asafa Powell, lui, devra attendre les sélections jamaïcaines, du 27 au 29 juin, puisqu'il a déclaré forfait pour ses autres sorties prévues d'ici-là à cause d'une blessure aux pectoraux.