Les 91 000 privilégiés du Nid d'oiseau en tremblent encore : il est 22h31 samedi et Usain « Lightning » Bolt vient de foudroyer Pékin, en améliorant son propre record du monde du 100 m en finale des Jeux olympiques (9''69). Le coup était prémédité. Depuis les quarts de finale, remportés en trottinant sur la fin (9''92) vendredi, les paris allaient bon train sur les chances du Jamaïcain d'améliorer sa meilleure performance de tous les temps. Après une demi-finale encore plus impressionnante (9''85), la question ne porte plus que sur le temps exact du nouveau record. 9''68 ? 9'' 70 ? Tout le monde en parle et personne ne veut rater « la » course de la soirée. Dès la présentation des coureurs, le public est debout. Et alors que le visage fermé d'Asafa Powell annonce une nouvelle désillusion pour l'ancien détenteur du record du monde (5e), Bolt impressionne par sa décontraction. Tout le monde se demandait comment il résisterait à la pression de l'événement pour sa première finale du 100 m dans un grand championnat. Elle glisse sur lui. Avant le départ, sourire aux lèvres, il mime un éclair en référence à son surnom « Lightning Bolt ». Puis il continue à faire le show en faisant quelques signes avec ses mains 20 centièmes d'écart mais le véritable spectacle n'a pas encore commencé. Il durera pour la première fois de l'histoire moins de 9'' 70. Dès le départ, qui est pourtant son point faible, Bolt se place aux avant-postes puis comme à son habitude, il se détache. La manière dont il creuse l'écart sur le Trinidadien Richard Thompson est tout simplement époustouflante. Et le Jamaïcain est tellement sûr de sa force qu'il ne poursuit même pas son effort jusqu'à la ligne. Aux 80 mètres, il écarte les bras, puis il se tape la poitrine en franchissant la ligne. Malgré cela, il compte 20 centièmes d'avance sur son second, Thompson, du jamais vu depuis la victoire de Carl Lewis en finale des Jeux de Los Angeles en 1984. Il pourrait d'ailleurs imiter sous peu l'Américain, qui reste le dernier homme à avoir réussi le doublé 100 m/200 m aux Jeux. Mais à ce moment-là, Bolt n'en a cure. Il est tout à la joie de son premier sacre olympique – le premier pour un Jamaïcain – à même pas 22 ans. Il les aura dans cinq jours, le lendemain de la finale du 200 m. Le Jamaïcain s'empare du drapeau jaune-vert-noir de son île et ne cesse de montrer ses pointes dorées sur lesquelles son équipementier a fait graver « Usain Bolt - 100 mètres », pendant que la sono crache du reggae à tue-tête. « Le plus grand sprinteur de tous les temps ». Ses adversaires sont abasourdis. Powell, avec qui Bolt a défilé bras dessus bras dessous en zone mixte après les quarts, est le premier à s'incliner. « Il était définitivement intouchable ce soir, déclare l'ancien détenteur du record du monde. Il est spectaculaire. C'est le plus grand sprinteur de tous les temps. » « C'est un phénomène », résume plus sobrement Thompson. « Il a toujours couru vite. » C'est ensuite au tour du nouveau champion olympique de venir faire le tour des médias. Rayonnant, il dégage sa sérénité habituelle, comme s'il venait de remporter une simple série. Pourtant, pour ses adversaires, qui grimaçaient en franchissant la ligne, le doute n'est pas permis. « C'était la plus grande course de tous les temps », affirme l'Américain Walter Dix, heureux 3e de ce 100 m. En attendant sans doute la prochaine sortie du « phénomène » Bolt, qui n'a pas fini de secouer la planète athlétisme.