L'année politique 2001/2002 s'annonce bien remplie pour le chef de l'Etat qui devra, prioritairement, s'attaquer aux zones de tension qui constituent autant de points chauds, potentiellement dangereux pour la stabilité du pays et qui hypothèquent la sortie effective de la crise actuelle. L'une des plus épineuses questions à laquelle sera confronté le chef de l'Etat dans les mois à venir, sera nécessairement la situation qui prévaut en Kabylie où, plus de quatre mois après le début des événements, l'issue du problème demeure incertaine, tant que les radicaux tiennent les rênes de la décision dans la région. Pourtant une semaine seulement après l'éclatement des émeutes, le chef de l'Etat a montré une grande disponibilité au dialogue, allant jusqu'à précéder les animateurs dans leurs revendications formulées dans la plate-forme dite d'El-Kseur. Les appels au dialogue n'ont pas cessé depuis, mais force est de constater que l'aile dure du mouvement de contestation ne l'entend toujours pas de cette oreille. Le blocage consécutif à l'entêtement de la Coordination des ârchs est un élément aggravant de la crise. Cet état de fait rend l'issue quelque peu problématique et il faudra faire preuve d'une grande habileté politique pour parvenir à désamorcer la situation, à ce jour explosive, car gérée par des cercles encore loin d'être franchement identifiés. Ce dossier atterrira, à n'en pas douter, sur le bureau de Benflis qui a déjà montré de grandes capacités au dialogue, notamment sur des questions aussi sensibles que les réformes économiques où il a réussi à obtenir l'adhésion de l'UGTA, ainsi que sur le statut des avocats, actuellement sérieusement pris en charge par toutes les parties concernées par le dossier. Cela dit, les prochaines semaines seront sans doute déterminantes dans le traitement de la contestation en Kabylie, et l'on peut avancer que les pouvoirs publics useront prioritairement d'une approche dialoguiste avec les représentants des citoyens de Kabylie. Il revient à ces derniers de faire montre de plus de responsabilité aux fins d'aboutir à une solution équitable pour les populations de la région et pour la République. La paix civile sera au rendez-vous La question des événements de Kabylie n'est pas le seul challenge que doivent affronter les pouvoirs publics. La situation sécuritaire, qui s'est dégradée ces derniers jours, est aussi une préoccupation majeure des décideurs qui auront à établir une véritable stratégie de lutte antiterroriste. Les deux organisations terroristes encore actives sur le terrain, le GIA et le Gspc, ont redoublé de férocité. Cependant, si pour les hordes de Zouabri, l'équation est horriblement simple, pour le Gspc en revanche, le harcèlement dont il fait montre ces dernières semaines est mis, pour les observateurs, sur le compte des négociations secrètes qui ont cours entre l'organisation de Hassan Hattab et le pouvoir. Le chef terroriste serait tenté, dit-on, par une intensification d'actions armées pour améliorer sa position dans le cas de négociations sérieuses avec les autorités. Aussi, des observateurs avertis estiment le règlement de la question du Gspc dans le courant de l'année prochaine. Cette thèse est prise très au sérieux au sens que l'action armée islamiste a largement échoué. Les éléments du Gspc ont conscience de cet état de fait et cherchent une sortie honorable. Il ne restera donc que les hordes du GIA à traquer dans une zone géographique limitée, ce qui sera à la portée des services de sécurité. Les spécialistes prédisent la fin des actions armées d'envergure au milieu de l'année prochaine. Ce seraient la victoire finale de Bouteflika sur l'insécurité et une promesse électorale complètement satisfaite. Mais la paix souhaitée par le chef de l'Etat n'est pas seulement de nature militaire. La concorde nationale et la réconciliation nationale sont des chantiers d'importance pour le chef de l'Etat, et constituent un élément de taille dans sa campagne électorale et son action en tant que Président de la République. Après avoir réussi l'étape de la concorde civile, Bouteflika devra convaincre la classe politique de la nécessité d'aller vers la réconciliation nationale, seule condition, selon lui, d'aboutir à une réelle stabilité de l'Algérie. Une réconciliation qui ne signifie nullement l'abandon de l'aspiration de modernité légitime de la société algérienne et encore moins un dédouanement de l'islamisme armé ni des exactions qu'il a commises contre les populations du pays. Cette année politique sera donc celle d'un discours rassembleur, d'autant que la paix civile tant attendue a de fortes chances d'être conclue en 2002. La réconciliation nationale est possible Cet immense chantier politique sera ponctué par les élections législatives, prévues pour la fin du premier semestre de l'année prochaine. En effet, ce rendez-vous électoral est d'une importance capitale puisqu'il sera le premier de l'Algérie indépendante, qui donnera la véritable carte politique de la République, après les deux précédents échecs de décembre 91 et juin 97 où des circonstances que personne n'ignore ont donné une configuration tronquée du paysage politique national. Cette consultation, si elle va clarifier le jeu politique, est actuellement l'enjeu de l'heure, ce qui a pour conséquence une véritable inflation du discours politique où l'opinion assiste à une guerre des tranchées, mais l'on peut avancer que l'un des vainqueurs des joutes électorales qui s'annoncent d'ores et déjà dures, sera le concept de réconciliation nationale. La réconciliation nationale n'a pas seulement une portée politique, le volet social en est partie prenante. C'est ainsi que les actions en direction des couches moyennes et défavorisées sont à inscrire dans une démarche globale qui veut que toute la société profite des richesses de la nation. Cette démarche s'est exprimée à travers les aides financières directes octroyées aux élèves issus de familles démunies et aussi, à travers la formule location-vente qui touche essentiellement la couche moyenne. Plus que cela, le programme de relance économique et le plan national de développement de l'agriculture, deux grands réservoirs d'emploi, connaîtront leur vitesse de croisière dans le courant de l'année prochaine et promettent une résorption sérieuse du chômage en Algérie. Autant d'arbres plantés en 2001 et dont les fruits seront cueillis en 2002. Une année qui promet le renforcement de la popularité de Bouteflika, dont les citoyens ont largement constaté le souci de redistribuer, le plus équitablement possible, les richesses de la nation. C'est dans cette atmosphère sociale, qu'on espère, en haut lieu, sereine, que le chef de l'Etat abordera les phases décisives de l'application des grandes réformes de fond que sont celles de l'éducation, de la justice et des structures de l'Etat. Des dossiers actuellement sous le feu de certains cercles politiques hostiles à la modernisation de la nation. Le Président de la République devra donc mettre le paquet sur la communication. Cela lui a réussi pour convaincre la société du bien-fondé de la concorde civile. Ce sera donc en fin communicateur qu'il devra agir dans les semaines et mois à venir. En fait, ce que certains ont qualifié d'inflation de discours a eu un effet certain sur la société qui, à chaque apparition publique du chef de l'Etat, comprenait un peu mieux le contexte politique, social et économique national. Un véritable travail de pédagogue. Les défis qui attendent Bouteflika sont immenses, mais il y a lieu d'affirmer qu'une bonne partie de ce qui a été réalisé jouera sans doute en sa faveur, d'autant que l'assise de l'Algérie dans le monde, acquise après un grand travail diplomatique, est de nature à favoriser les échanges économiques dans le futur, si les relais administratifs internes fonctionnent normalement. C'est là une autre priorité des pouvoirs publics.