«Pour moi et pour tous les autres chanteurs de ma génération, il était notre maître», a souligné Kamel Hamadi. L'assistance, parmi laquelle figuraient de nombreux artistes, tels Kamel Hamadi, le poète Benmohamed, ou encore Beihdja Rahal, la diva de la musique andalouse, a eu droit à de nombreuses surprises concoctées par l'ethnomusicologue, Mehenna Mahfoufi, qui a fait redécouvrir, au Centre culturel algérien de Paris, la personnalité et l'oeuvre musicale de Cheikh El Hasnaoui, à l'occasion de la sortie de son livre consacré à ce chanteur de l'exil. Cheikh El Hasnaoui chanteur algérien moraliste et libertaire, raconte avec une certaine émotion parfois, les rencontres de l'auteur, quatre au total, avec le chanteur, à Saint-Louis de la Réunion, en plein océan Indien. La dernière a eu lieu le 7 juillet 2002 lorsque l'auteur jettera un dernier regard sur la dépouille mortelle du Cheikh avant qu'elle ne soit ensevelie dans le cimetière de la ville. El Hasnaoui est né en 1910 en Kabylie. Le jeune Mohammed Khelouat s'initie au chaâbi en se frottant aux grands noms du milieu artistique algérois, tels que cheikh Mustapha Nador et El Anka, ainsi que Amraoui Missoum et Mohamed Iguerbouchène à Paris. Cet artiste est aussi le plus modeste et le plus ambitieux. Il ne compte pas s'arrêter en si bon chemin. Tout en séduisant un large public, avec des chansons en kabyle et en arabe populaire, comme Ayema ayema, El Ghorva Thouâar, Bnet Essohba, Maison-Blanche ou encore Noudjoum elleil qu'il enregistre en 1968 à la veille de ses adieux à la scène. La grande innovation apportée par El Hasnaoui demeure, incontestablement, la note de fraîcheur introduite dans une musique réputée qui répondait plus au goût de tous les temps. Pour rencontrer El Hasnaoui, l'auteur a entrepris une véritable enquête, usant de tous les subterfuges, allant d'un contact à un autre avant d'être conduit enfin vers ce vieux qui vivait seul et dans la sérénité avec son épouse, Denise. De ces voyages, Mehenna Mahfoufi a apporté des témoignages d'une grande valeur de l'artiste qui évoquait son enfance, son expérience artistique et sa douleur de vivre: un exil choisi mais également forcé. L'auteur a également ramené dans ses bagages près de six heures de films tournés avec El Hasnaoui et tous les gens qui l'ont connu ou ont été fortement influencés par ses oeuvres. Kamel Hamadi dira: «J'ai admiré le Cheikh. J'ai appris ses modes. Ses mélodies étaient agréables. Pour moi et pour tous les autres chanteurs de ma génération, il était notre maître.» Le poète Benmohamed se souvient des chansons d'El Hasnaoui qui ont bercé sa jeunesse. «El Hasnaoui était interdit de séjour dans les foyers kabyles. Les hommes écoutaient en cachette ses chansons qui bousculaient les tabous à l'époque. Ce n'est qu'en arrivant à Alger que j'ai découvert ses chansons. Plus on les écoute, plus on découvre des sens cachés et des dimensions encore plus profondes», a-t-il dit. «El Hasnaoui était le chanteur qui a accordé le plus de respect à la femme algérienne. Ses chansons sont les plus beaux hymnes dédiés à la femme et le plus beau roman d'amour kabyle», a-t-il ajouté. Behdja Rahal, a eu la chance de rencontrer El Hasnaoui en mars 2001 à l'occasion d'un concert de musique andalou donné à la Réunion. «J'ai eu le grand privilège de passer une journée entière avec lui. Je lui ai chanté un istikhbar qui l'a véritablement ému», se souvient-elle. Cheikh El Hasnaoui a conservé l'auréole du maître le plus prestigieux du chaâbi de l'émigration. Il s'est éteint le 6 juillet 2002 à la Réunion. «Cheikh El Hasnaoui était et restera un grand chanteur parce qu'un public très nombreux, constamment renouvelé au fil des générations, a fait de lui un mythe depuis plus de 70 ans. Moraliste et libertaire à la fois, sa poésie est celle d'un pourfendeur de tabous. A ce titre, elle continue de bousculer les mentalités et ses fans le ressentent encore aujourd'hui», écrit Mehenna Mahfoufi dans son ouvrage.