Après le très érudit, Cheikh El Hasnaui, la voix de l'errance de Rachid Mokhtari, un ouvrage publié en 2002 chez Chihab édition, l'ethnomusicologue et chercheur au CNRS Mehenna Mahfoufi propose, dans un nouvel ouvrage Cheikh El Hasnaoui chanteur algérien moraliste et libertaire, en plus d'un CD contenant des extraits des entretiens qu'il a eus avec le chanteur, lors de ses rencontres à Saint Louis de la Réunion et des oeuvres inédites de cette figure de la chanson algérienne.Ce rendez-vous culturel s'est déroulé jeudi dernier au CCA (Centre culturel algérien) de Paris, une institution que dirige depuis peu Yasmina Khadra, auteur qui s'est fait connaître par ses polars. De nombreux artistes algériens vivants dans la capitale parisienne, notamment le compositeur et chanteur Kamel Hamadi, qui a formé des générations entières de chanteurs algériens, le poète Benmohamed, qui a signé les paroles de plusieurs “ succès ” comme ceux d'Idir, ou encore Behidja Rahal, “ la Diva de la musique andalouse ”, connue pour son travail inestimable de retranscription du répertoire andalou menacé de disparition, ont pris part à cette rencontre éditoriale et lyrique. Parmi les œuvres du cheikh décédé en 2002 dans son île d'exil – île de la réunion- figure une chanson intitulée Tbeddel Ezzman (les temps ont changé), enregistrée lors d'une soirée musicale que le chanteur avait animée en septembre 1965 avec un groupe de musiciens. Selon le chercheur Mehenna Mahfoufi, le texte en question est un texte par lequel “ le cheikh El Hasnaoui clame sa joie de voir l'histoire des siens prendre une nouvelle tournure et les plaies de la guerre tendre vers la guérison dans cette Algérie nouvellement indépendante ”. L'auteur de l'ouvrage propose également un extrait d'une émission animée par le grand musicien algérien Mohamed Iguerbouchene qui présente un chant rituel du henné interprété par El Hasnaoui. Le document date du début des années 50 et le chant est intitulé Qquengak el henné (Je t'impose le henné). Dans le sillage de ses recherches, Mehenna Mahfoufi a en outre exploré et découvert la version complète de la chanson Arwah (Viens !) avec ses huit couplets, alors que la version la plus connue n'en contenait que quatre. Cheikh El Hasnaoui, ou Mohamed Khelouati pour l'état civil, aurait choisi un nom d'emprunt qui se réfère à son village natal du Arch Ihasnaouen au sud de Tizi Ouzou. Né en 1910 au village de Tadart Tamuqrant Cheikh El Hasnaoui fut orphelin de mère dès l'âge de 2 ans, et exilé de sa terre à 16 ans. C'est ce double déchirement qui aurait alimenté ses récits courts et nostalgiques. El Hasnaoui, le chanteur à la voix caverneuse n'est pas allé jusqu'à reproduire le modèle monocorde du chaâbi, mais s'est forgé son propre style situé entre, la ramba, la samba, et le chaâbi . “ Sa voix au timbre grave qui déroute quelque peu l'auditeur, mais qui est toujours d'une justesse ”, puis “ une rupture avec la musique rigoureuse en incorporant des éléments qui déroutent l'auditeur habitué à la symétrie à la redondance ennuyeuse” soutient le chercheur. Selon toujours Mehenna Mahfoufi, le cheikh aurait introduit, dès les années 30, des rythmes latino. “ Entre 1951 et 1968, il a enregistre 17 chansons aux rythmes de rumba, de mambo et de samba avoue-t-il ajoutant que “son répertoire se compose de 74 titres chantés en kabyle et en arabe. ” Sa dernière œuvre date de 1968 et s'intitule Ya Noujoum Elleil, une chanson reprise par plusieurs interprètes dont la plus connue est celle du défunt Kamel Messaoudi.