Samedi dernier, le public béjaoui a eu droit à une soirée de projection cinématographique tunisienne des plus passionnantes... La femme dans tous ses états était à l'honneur samedi dernier, à la Maison de la culture Taous-Amrouche de Béjaïa. L'après-midi a été consacré à deux documentaires algériens, réalisés dans le cadre de «Alger, capitale de la culture arabe». Violence contre les femmes de Sid-Ali Mazif, qui dénonce, comme son nom l'indique, les actes violents dont fait l'objet la femme en Algérie. Des enquêtes sont menées, les résultats rendus publics. Ces violences sont essentiellement masculines. L'autre film, appelé Hnifa, une vie brûlée de Ramdane Iftini et Sami Ailam, dresse le portrait de cette chanteuse kabyle au parcours assez difficile, comparée à Edith Piaf. Hnifa qui avait chanté tout comme elle, l'exil et l'amour, est morte un peu de façon tragique en 1981. Suivra le film de Brahim Tsaki, Ayrouyen, qui veut dire «Il était une fois» en tamasheq, la langue des Touareg. Ayrouyen est un film, a priori, serein et calme comme le désert mais derrière cette fausse façade, il charrie en son coeur un gros drame humain, une histoire d'amour impossible entre Amayas et Mina, sa soeur de lait. Ayrouyen rend, ainsi, hommage à cette femme patiente du désert et celle de la grande ville de l'Europe. C'est une quête de tolérance et d'amour entre le nord et le sud qui permet de réconcilier les valeurs en partant d'une remise en cause forte de tout un système de valeurs qui dénonce la traite des déchets nucléaires dans le désert algérien. Un film vaporeux comme le sont la plupart de ces films, avec un peu moins de magie tout de même. Le personnage de Mina, en tout cas, crève l'écran. Nous finirons la soirée en beauté avec trois films tunisiens qui rappellent la condition de la femme au Maghreb. Borderline «Wara El Blaik» de Sonia Chamkhi est un court métrage narrant une histoire d'amour «arrachée à la vie» entre Saïdia, une femme de ménage et Mokhtar, gardien d'un immeuble encore squelettique. Une découverte de l'amour et de la plénitude charnelle déchire leur solitude et leur permet d'exister. Dans cette grande ville immense, marquée par le désert affectif, le béton et la ferraille, ces deux personnes vont se retrouver et vivre une aventure, le temps d'un éclair. Une histoire d'amour vouée peut-être à l'échec? Lui marié et elle, tombe enceinte et décide de partir pour ne pas rompre le charme de cette bluette romantique, attendrissante, pleine de poésie. Chaque plan de ce court métrage suinte cette solitude et cette sensibilité à fleur de peau que viennent accentuer des expressions de visages tristes et mélancoliques. Mais heureux de bonheur. La caméra réussit à s'effacer pour nous plonger avec tendresse dans cette histoire intime. Ce petit bijou est le dernier-né d'une série de courts métrages réalisée par cette sympathique réalisatrice, docteur ès lettres (cinéma, audiovisuel, télévision) et enseigne le design et la pratique audiovisuelle à l'Institut supérieur des beaux-arts de Tunis et à l'Ecole des arts et du cinéma (Edac). Elle est aussi auteur dramatique et littéraire, elle a participé à l'adaptation de plusieurs longs métrages tunisiens. Actuellement, elle édite son premier roman Leïla, ou la femme de l'Aube (Elyazid/ Claire-Fontaine).Tout un programme! Wara El Blaik, est son premier film individuel. Tout aussi touchant est le second court métrage, Le rendez-vous de Sarra Abidi qui dénonce, quant à lui, le regard machiste dont fait l'objet la femme, qui se voit assimilée à une prostituée dès qu'elle rentre à une heure tardive, la nuit. Ce court métrage raconte l'histoire d'une jeune fille travaillant dans une pâtisserie et rêve du prince charmant. Elle croit un jour le trouver et lui donne rendez-vous. Mais il ne viendra jamais. Dans une société sexiste, dictée par les traditions sclérosées, la liberté d'une femme passe par le mariage, une solution inculquée depuis toujours par notre société conservatrice. Une quête de liberté finalement qui est aussi perceptible dans le long métrage de Nadia El Fani, Bedwin hacher. «Il faut être fou pour vivre libre» entendons-nous dans ce long métrage assez ambigu. «C'est à partir de la marge qu'on peut définir ce qu'il y a dans la page», a confié la réalisatrice au tout début de la présentation du film. Pour dialoguer versus Sud/Nord, Kalt, jeune femme maghrébine, génie de l'informatique, pirate les satellites et brouille les télévisons européennes. Mais les services de la DST, pilotés par Julia, son alter ego, sont à sa poursuite sur Internet. Gravitent autour, une flopée de personnages dont ce journaliste Chams, cette chanteuse délurée et ses autres copines qui vivent dans l'insouciance en s'éclatant chaque soir. Une vie que rien ne vient perturber sauf cette histoire de piratage informatique qui met en otage une histoire d'amour, tout aussi ambiguë...La réalisatrice qui affirme que ce film n'est pas à voir au premier degré, gagne elle aussi à brouiller les pistes. Les frontières entre la terre, la culture et le sexe sont brouillées. Le spectateur sort un peu dérouté, et reste sur sa faim, à ne pas en avoir saisi la finalité. Ce long métrage tourné comme une série B, se partage entre la Tunisie filmée de façon fiévreuse et la France, avec une caméra posée qui inspire par moments l'ennui. Cependant, il réussit ainsi à rompre avec l'image stéréotypée de la femme et surtout à briser certains tabous dans le cinéma arabe et cela est une victoire. A fortiori d'un cinéma fait par une femme et qui porte un regard moderne sur la femme. Et elle a bien raison...