Quatorze wilayas ont été concernées par les émeutes qui ont touché la kabylie, l'Est, et à un degré moindre le Sud puis l'Ouest, durant cet «été de feu». Plus de quatre-vingts motifs ont «justifié» la casse et la révolte, qui prirent souvent des allures d'insurrection. C'est le premier bilan «brut» qui ressort du travail d'une commission spécialisée qui a collecté toutes les données, sans les commenter ni les politiser. Le tableau ainsi établi est édifiant. Une lecture s'impose. Tout d'abord, on constate que les émeutes, allant de la véritable insurrection à un simple mouvement de protestation, ont concerné par degré d'importance, Tizi Ouzou, Béjaïa, Bouira, Oum El-Bouaghi, Boumerdès, Annaba, Batna, Sétif, In Amenas, Bordj Bou-Arréridj, Biskra, El-Tarf, Guelma, Mostaganem et Oran. Si l'on excepte les deux dernières, où la contestation fut symbolique et sans aucune incidence sur la cité, les émeutes se sont concentrées dans la région kabyle et à un degré moindre à l'est du pays. Si l'on excepte aussi la région kabyle, les motifs de la révolte à l'Est ont été pour la plupart sociaux et ont mis à l'index les P/APC et les élus. L'enchevêtrement des motifs de la crise en Kabylie et son prolongement à ce jour nécessitent un traitement à part du phénomène. Sinon, pour les autres wilayas, le constat reste le même. La crise du logement, qui arrive en tête de liste, a motivé des rassemblements de citoyens à Sétif, Oum El-Bouaghi, In Amenas, Guelma, etc. L'eau, d'ordinaire vecteur de maladies à transmission hydrique, a été un détonateur important dans huit wilayas. Une source d'eau, un robinet commun, ou un simple raccordement de conduites pour alimenter les démunis auraient pu faire éviter la « casse » à Guelma, Henchir (Oum El-Bouaghi), Sidi Aghriss, Sidi Amar (Annaba) et Hasnaoua (BBA). Le gaz et l'électricité ont été également d'importants détonateurs dans plusieurs dizaines de communes, telles que Hadjadj, Mostaganem, Henchir, Batna, etc. A Batna, par exemple, une manifestation, qui avait regroupé les habitants des douars de Aouris, Ghabraz, Sameur, Mezane... avait pour cause le bitumage de la route accidentée, qu'ils empruntent, ainsi que la reprise du forage du puits à l'arrêt, destiné à alimenter les zones de Tagourt El-Beïda, El-Hamra et Bouzina. Une grande partie de la grogne sociale a pour cause les élus locaux. Récapitulons sans porter de jugements: le départ des P/APC et des élus locaux a été exigé dans trente-six communes, dont, à titre indicatif, Berrich, Aïn Babouche, Henchir (Oum El-Bouaghi), Dirah, Chellala, El-Bayadha, In Amenas, El-Tarf, Guelma, etc. Souvent, la présence du wali est exigée pour signifier le retrait de confiance au P/APC et élus. Même des chefs de daïra ont été déclamés et déboutés (In Amenas). Ainsi donc, la nature résolument sociale de la crise qui a frappé de plein fouet ces wilayas est avérée, mais n'enlève en rien son soubassement politique. Une mauvaise gestion sociale implique un laisser-aller politique latent, et la nature sociale de la colère du peuple n'absout pas de leurs péchés les politiques. Loin s'en faut. Une première lecture «politique» de la crise de l'été démontre de façon claire que le trouble politique et les tensions créées par un «flottement» apparent ont déteint sur la gestion des cités, où les élus, appartenant à des horizons divers, ont souvent joué des frictions et des animosités politiques bloquant, de fait, la gestion des affaires de leurs cités. En Algérie, comme dans la totalité des pays du tiers-monde où n'existent pas encore d'institutions à l'abri des hommes, quand la politique ne va pas, rien ne va.