L'aménagement des ruelles, la réalisation d'un château d'eau, les conduites d'eau potable et des eaux usées ne sont que le fruit de l'effort collectif. Des villages continuent de vivre en marge du développement, tels que Aït Mahiou, Tasga, Agouni, Tafraout, Aït Achour qui font les frais des errements des autorités locales successives de la commune de Tifra. Le train du progrès n'est pas encore passé par ces villages de six mille âmes. Dans ces villages, la solidarité est le maître mot. Fort heureusement d'ailleurs, autrement «ça serait une catastrophe», ironise ce sexagénaire rencontré à la mosquée du village, lieu de rencontre des villageois. Mais «de moins en moins», a-t-il regretté. Depuis l'ouverture d'un café, les jeunes ont tendance à déserter Tadjmaït. Grâce à la solidarité villageoise, d'importants projets, censés pourtant être réalisés par la commune, sont pris en charge. L'aménagement des ruelles, la réalisation d'un château d'eau, les conduites d'eau potable et des eaux usées ne sont que le fruit de l'effort collectif. L'absence de gaz de ville se pose avec acuité dans cette région connue pour son froid extrême en hiver, caractérisé par des chutes de grêle et de neige, et un printemps pluvieux. Durant cette période, la bombonne de gaz se fait rare. Le recours au bois sec est devenu l'ultime solution. La benne de bois sec est cédée à quelques centaines de dinars en haute saison. Conséquence: l'abattage des arbres se fait systématiquement même si les habitants de ces villages y ont recours à contrecoeur. Dans ces villages, les gens sont conscients qu'abattre les arbres nuit considérablement à la nature, mais que faire? Il faut bien se chauffer en hiver. La population est confrontée à un véritable dilemme. Une simple randonnée pédestre à travers ce qui fut, jadis, une immense sylve permet de constater les dégâts occasionnés à la forêt. Des coupes sauvages sont pratiquées quotidiennement sur des fourrés centenaires. «La sonnette d'alarme a été tirée à maintes fois», dit le président de l'Association du village Ait-Mahiou. Dans ces villages reculés, le mouvement associatif s'est toujours montré soucieux de préserver la nature. Cependant, les différents SOS lancés n'ont pas trouvé d'oreille attentive de la part des responsables concernés. La population voudrait être approvisionnée en gaz de ville. C'est l'unique solution pour préserver la forêt d'Akfadou. Tout comme le problème d'eau, les eaux usées que les citoyens ont certes dragué à la sortie de leurs villages mais qui continuent à se déverser en pleine nature. Résultat toutes les rivières, faisant jadis le bonheur des enfants, sont aujourd'hui fortement polluées. Le plaisir des baignades d'été a disparu depuis longtemps dans ces contrées reculées. Certes, les villageois ont fourni d'énormes efforts physiques et matériels pour raccorder leurs foyers à la conduite du village qu'ils ont réalisée eux-mêmes. Mais l'eau manque toujours. Combien même ils aient tenté de réguler l'approvisionnement, l'eau ne suffit toujours pas. La réfection de l'ensemble du réseau de distribution se fait pressante. Dans un autre chapitre, ces villages n'ont bénéficié d'aucune infrastructure sportive et culturelle, alors qu'ils ont enfanté des artistes de renommée, à l'image du chanteur Youcef Abdjaoui, qui a honoré l'art en général et la chanson kabyle en particulier. Faute de loisirs, les jeunes sont réduits à tuer le temps, à jouer aux dominos, aux cartes. Les jeunes affirment que leur avenir est une porte close. Parfois des tournois de football sont organisés par-ci et par-là. Alors on y prend part malgré les distances. «Nos préoccupations se résument à la construction d'une maison de jeunes et d'un stade, l'argent existe», dit Hakim. Désespérés, plusieurs jeunes fraîchement diplômés des universités ont tenté l'aventure de l'immigration. Et la saignée continue, et les villages se vident davantage de leur suc.