Composé de pas moins de 5 000 âmes éparpillées à travers l'ensemble de son territoire, le douar Tafraout, situé dans la commune rurale de Benaïria, au nord-est du chef-lieu de wilaya de Chlef, est, à première vue, un village oublié, abandonné depuis belle lurette par les décideurs locaux. En effet, les nombreux témoignages recueillis auprès de plusieurs villageois à Tafraout sont extrêmement accablants et font état, malheureusement, d'une grande désolation et d'une regrettable déception à tous les niveaux. “Notre misérable localité n'a bénéficié, à ce jour, d'aucun projet de proximité, notamment en ce qui concerne le développement rural intégré, contrairement à plusieurs autres douars de la wilaya. Nous manquons de tout et la vie quotidienne de chacun de nous est faite, depuis des années, de dégoût et de lassitude”, dira d'emblée aâmi Ahmed qui était accompagné d'une dizaine de ses voisins d'un certain âge. La soixantaine passée, d'une forte corpulence et d'un sourire permanent et significatif, aâmi Ahmed, délégué depuis de nombreuses années par l'ensemble des habitants du douar afin de les représenter et de transmettre ainsi leurs doléances aux responsables locaux, parle aussi et longuement de son périple et du combat qu'il ne cesse de mener sur tous les fronts pour qu'une particulière attention soit accordée à son village qui souffre, de plus en plus, d'un isolement ruineux. De son vieux porte-documents attaché avec un élastique compte tenu du nombre de documents, notre interlocuteur nous montre des dizaines, voire des vingtaines de copies des correspondances déjà adressées, mais sans aucun résultat, aux autorités administratives locales et même nationales. “Jamais ce cartable ne me quitte car il contient toute l'histoire et aussi toutes les préoccupations des habitants de ce pauvre douar dont la misère devenue, au fil des années, terrible et infernale. Je n'arrêterai jamais le combat que je mène pour que notre douar puisse sortir, enfin, de son isolement, et c'est pourquoi, d'ailleurs, je trimballe avec moi à longueur d'année cet ensemble de documents. Regardez dans quel état se trouvent nos routes et ruelles. Elles sont toutes impraticables, autant pour les piétons que pour les automobilistes, en raison de leur dégradation avancée. Elles n'ont jamais été rénovées, ni même retapées depuis qu'elles existent. Caillouteuses et poussiéreuses en été et entièrement boueuses en hiver, celles-ci causent énormément de difficultés à tous les villageois, mais surtout aux enfants scolarisés qui s'absentent fréquemment de leurs établissements scolaires respectifs, particulièrement durant les saisons des pluies en raison de leur impraticabilité. Cette regrettable situation est aussi à l'origine de l'absence des transports scolaire et collectif entre Tafraout et les différentes autres destinations, ce qui oblige les habitants qui ne disposent pas de moyens de locomotion de se rendre à leurs occupations quotidiennes et vice-versa à pied. Nos habitations sont toutes dépourvues de gaz naturel, et aussi d'eau potable. Le seul réseau qui nous alimentait en eau est aujourd'hui complètement défectueux, comme en témoignent les fuites hydriques qui inondent à longueur de journée et de façon spectaculaire l'ensemble de nos quartiers. C'est aussi le cas pour ce qui est des conduites relatives à l'évacuation des eaux usées qui sont totalement remplies de boue et de déchets. Ces dernières ne servent plus à rien aujourd'hui”, évoque avec amertume aâmi Ahmed qui était accompagné de plusieurs habitants du village qui réclament ensemble, dans la foulée, l'alimentation de leur localité en électricité et la réalisation, au moins, d'une aire de jeux de proximité en faveur de leurs jeunes dont le nombre demeure tout de même important. Ils souhaitent, enfin, l'intervention des autorités locales de la wilaya afin que des solutions définitives soient accordées à leurs problèmes.