Elle est seule à se battre contre les cimes et les records du monde. Faute d'adversaires à sa hauteur, la Russe Yelena Isinbayeva avait perdu de sa superbe entre 2006 et 2007 et la «tsarine de la perche» a eu besoin d'un nouveau défi: un changement de vie et d'entraîneur qui lui a permis de décrocher lundi dernier son deuxième titre olympique. Et comme en 2004 aux Jeux d'Athènes, elle l'a agrémenté d'un nouveau record du monde (5,05 m), le 24e de sa carrière (plein air et salle confondus). «Je n'aime pas perdre, je suis très orgueilleuse et perdre me rend malheureuse», avoue souvent Isinbayeva, 26 ans. Pourtant, de 2003 à 2005, l'ancienne gymnaste de Volgograd a rarement connu le goût de la défaite, puisqu'elle a fait entrer le saut à la perche féminin dans l'histoire en franchissant la barre des cinq mètres en juillet 2005 à Londres. Repue de titres et d'honneurs, capable de gagner un concours sur son premier saut, tant sa marge sur la concurrence était grande, Isinbayeva était tombée dans son propre piège. Celui de la course très lucrative au record, celui qui la condamnait à toujours mieux faire. En 2006, elle décide de quitter son entraîneur Evgeny Trofimov pour travailler avec Vitaly Petrov, toujours très proche de son ancien protégé Sergei Bubka, à qui Isinbayeva est souvent comparée. La «poupée russe», fille d'un plombier et d'une caissière de magasin, change radicalement de vie: elle quitte ses parents pour s'installer à Monaco, elle s'entraîne dans la Principauté, à Formia, en Italie, et aussi à Donetsk, le centre de la galaxie Bubka. Dès son arrivée, Petrov décide de tout reprendre à zéro ou presque: «Elle savait sauter, mais en 2006, on s'est concentré sur sa course d'élan, puis l'année suivante sur son impulsion», détaille l'entraîneur ukrainien, installé en Italie. Pendant qu'elle refait ses gammes, Isinbayeva continue à régner sur la perche féminine, mais donne l'impression d'être un peu perdue sur les sautoirs et dans sa vie. «Cela n'a pas été facile pour elle de quitter sa famille et ses proches. Elle s'est retrouvée dans un environnement nouveau, elle ne parlait pas la langue», justifie Petrov. Et l'entraîneur ukrainien de remercier les concurrentes de son élève: «Merci de m'avoir laissé le temps de travailler et tout mettre en place». Le long travail, accéléré par l'émergence d'une sérieuse cliente, l'Américaine Jennifer Stuczynski (4,92 m), semble désormais terminé. Mi-juillet à Rome, Isinbayeva a battu son premier record du monde en plein air depuis trois ans avec un bond à 5,03 m. Puis elle a amélioré deux fois cette marque d'un centimètre, à Monaco deux semaines plus tard et ce lundi à Pékin, pour se rapprocher avec 24 records du monde de ce qui la motive encore peut-être plus que les JO-2012: dépasser les 35 records du monde de Bubka.