Après une trop longue absence, les images algériennes retrouvent la Croisette cannoise. En effet, c'est à Yamina Bachir-Chouikh, qui a longtemps exercé ses talents de monteuse sur nombre de films algériens, que revient la lourde charge de camper un rôle taillé dans le pur bois national, celui avec lequel on fait cet arbre particulier qui a toujours pour fonction essentielle de cacher la forêt pétrifiée... Mais ne boudons pas notre plaisir et saluons la performance de la réalisatrice qui, avec Rachida, un premier film, réussit le tour de force d'être dans la section voisine de la compétition officielle «Un certain regard». Yamina B.C. sera en lice en revanche pour la «Caméra d'or» qui récompense la première oeuvre consacrée par un pays idoine. Oussama Mohamed (Syrie), Chassan Salhab (Liban), Abderrahmane Sissako (Mauritanie) complèteront, dans cette sélection, la participation arabe. Ailleurs, c'est à la «Semaine de la critique» que l'on retrouvera d'autres images arabes, cette fois de Palestine avec Rana's wedding de Hany Abu Assad. Pour la course à la Palme d'or, la surprise, au palmarès, pourrait venir d'un autre Palestinien, Elia Suleimann avec Intervention divine, celui qui avait déjà étonné les habitués d'un autre festival, celui de Venise, en 1998 en filmant avec une rare maestria une désopilante Chronique d'une disparition. Elia aura à ses côtés un des rares cinéastes israéliens progressistes, Amos Gitaï, le cauchemar du Likoud depuis plus de deux décennies, cette fois il revient avec Kedma, une oeuvre qui sent le soufre de loin... Mais Cannes c'est aussi la magie. Le rêve. En vingt-cinq années de fréquentation assidue du plus grand événement filmique mondial, il ne nous a jamais été donné de constater un certain parfum de remake dans l'organisation de ce rendez-vous annuel, devenu incontournable pour tous ceux qui ont compris que l'image et sa maîtrise constituent une arme des plus attractives, voire parfois des plus dissuasives. L'exemple de l'Iran, qui a su changer de fond en comble une image pour le moins détestable en misant sur le cinéma, est des plus patents... Yamina Bachir fera peut-être des émules, qui sait? Mais pour le moment, trêve de questionnements et plongeons une dizaine de jours durant dans une odyssée d'images et de sons. Laissons parler l'imaginaire de cette centaine d'auteurs venus aussi bien des USA que du Bangladesh (un film d'une rare audace sur la tentation intégriste) sur lequel nous reviendrons en temps utile. Pour la petite histoire, signalons la mise sous observation attentive de Spider de David Cronenberg qui sera soumis à l'appréciation d'un jury présidé par David Lynch, ce même Lynch qui a, selon la rumeur, raté la Palme à cause d'un supposé veto d'un certain Cronenberg alors maître de séance de cette édition-là... Le rideau se lève ce soir sur Hollywood ending de Woody Allen, qui a fait ainsi une infidélité de taille à la Mostra de Venise. Et c'est sur cette même note américaine que la boucle cannoise sera bouclée, dans dix jours, avec le dernier Claude Lelouch And now Ladies and gentlemen... En attendant place au show !