Pour Yamina Chouikh, être présente à Cannes c'est déjà une consécration et un rêve. Après plusieurs années d'absence, l'Algérie sera présente au festival international du film de Cannes, avec le premier film de Yamina Chouikh, Rachida. Le film algérien sera présenté hors compétition dans la sélection un certain regard. Un circuit généralement réservé à la promotion et au lancement des premières oeuvres sur le marché de la distribution. Merzak Allouache, avec Salut Cousin et surtout Bab El-Oued City, avait meublé dans le passé, cette sélection de deuxième classe du cinéma international. Seul, Mohamed Lakhdar Hamina, palme d'Or en 1975, a eu le privilège d'être en compétition officielle en 1982 et 1986 avec Vent de Sable et La dernière image. Pour Yamina Chouikh, sa présence à Cannes est déjà une consécration et un rêve que même son mari Mohamed, pourtant reconnu sur le plan international, après trois longs métrages multi primés, n'a pu caresser. Pour son baptême feu cinématographique, Yamina Chouikh a choisi comme thème le terrorisme. Un thème en vogue, mais surtout rentable financièrement, mais toujours mal exploité par Merzak Allouache et Karim Tradia. Yamina Chouikh a touché au thème, à travers le combat idéologique d'une jeune femme contre l'obscurantisme de l'intégrisme islamiste. C'est cet important facteur qui a incité les producteurs et plus particulièrement Mme Seguy, productrice exécutive du film et patronne de F For Film, de mettre la main à la poche et de convaincre la commission Fond du Sud, un important organisme qui aide à la promotion du cinéma dans les pays du Sud et qui est initié par le ministère des Affaires étrangères français. Pour ce film donc, la commission du Fond du Sud a accordé à la réalisatrice et à sa productrice, le 13 décembre 1999 une aide estimée à 700.000 FF soit 106.715 euros, pour un film dont le budget total a atteint les 7900.000 FF soit 1204.347 euros et qui avoisine les 8 milliards de centimes. Un budget astronomique pour un film algérien, au moment où la crise culturelle algérienne est profonde. Il faut préciser aussi que le budget concerne essentiellement le financement de l'équipe de tournage, entièrement française, alors que la réalisatrice algérienne pouvait très bien louer simplement le matériel et faire profiter des techniciens compétents restés au chômage après la dissolution des principales entreprises. Produit à la fois par Arte Cinéma, Canal+ et la Fondation CAN, Rachida est aussi co-produit par EXA, une boîte audiovisuelle, installée à la maison de la presse Bachir Attar et qui ambitionne de devenir une grande maison de production après avoir permis la réalisation d'un navet signé Moussa Haddad Mad In. D'ailleurs, EXA sera partie prenante dans le prochain film de Mohamed Chouikh, sur la vie et la mort du roi du raï love Hasni. Rachida, c'est aussi un film engagé et audacieux vue par une réalisatrice aux yeux tristes, et qui porte encore le chagrin d'un frère assassiné durant cette décennie noire. Quand un film devient une arme, les idées deviennent un combat. C'est surtout pour ce frère perdu que Yamina a fait ce film, tout en rendant hommage à tous ces algériens bercés par l'espoir, trahis par la parole et qui, dans un moment ou un autre, ont perdu un être cher. Yamina Chouikh, qui avait longtemps veillé devant les tables de montage pour donner vie et forme pour les films des autres, se verra, pour la première fois, entrer sur scène en tant que réalisatrice et ce n'est pas un hasard qu'elle présentera son film dans quelques jours sous son nom de jeune fille Yamina Bachir et se détacher ainsi complètement de la garde technique et thématique de son mari.