Le Jamaïcain de 22 ans est aussi doué pour attirer les médias que pour affoler les chronos sur la piste. L'athlétisme, en mal de vedettes ces dernières années, s'est trouvé un homme providentiel en la personne du triple champion olympique, Usain Bolt, qui remplit les stades et ne rechigne pas pour l'instant à faire la promotion de son sport. Le Jamaïcain de 22 ans est aussi doué pour attirer les médias que pour affoler les chronos sur la piste. Mercredi, deux jours avant sa reprise sur 100m à Zurich, sa conférence de presse et sa séance de signature d'autographes ont fait salle comble. Et son passage en zone mixte, après la course remportée aisément vendredi soir (9.83) a provoqué une cohue mémorable. Micros tendus à bout de bras, jeux de coudes pour se faufiler: tout était bon pour recueillir quelques phrases du Jamaïcain, qui avait déjà passé une bonne demi-heure à répondre aux télévisions partenaires auparavant. Ce n'est pas le trop bien élevé Tyson Gay ou le trop réservé Asafa Powell qui auraient pu déclencher un tel tumulte! La personnalité du nouveau roi du sprint, toujours en train de se déhancher et de dessiner un éclair en référence à son surnom «Lightning Bolt» avant de foudroyer ses adversaires, y est pour beaucoup. Son équipementier Puma se frotte les mains et ne cesse de le mettre en avant depuis son premier record du monde du 100 m (9.72) le 31 mai à New York. Au programme: campagne publicitaire, diffusion de vidéos montrant le quotidien du sprinter, jeu vidéo où le but est d'essayer de courir plus vite que lui et grande conférence de presse à Pékin en clôture des Jeux. Les organisateurs de meeting s'arrachent aussi la nouvelle attraction de la planète athlé. Et cela a un prix. «Après sa troisième médaille d'or (le 4x100 m, après le 100 m et le 200 m), on m'a demandé de m'aligner à Zurich et Bruxelles», explique Jacky Delapierre, le directeur de la réunion de Lausanne, qui aura lieu demain. «Les trois meetings payent le même prix pour Bolt.» Le journal L'Equipe parle de 150.000 dollars (102.000 euros) par meeting, un cachet nettement supérieur à celui perçu par Carl Lewis à l'époque (100.000 dollars). Même si le cours du dollar a baissé, c'est du jamais vu. Mais l'investissement est rentable. «Nous avons vendu 2000 billets de plus qu'à la même époque les années précédentes», précise Delapierre. «On a dépassé notre budget billetterie.» Revers de la médaille: les réunions, qui n'ont pas Bolt à leur programme, risquent de souffrir de la comparaison. Le Jamaïcain a «tué» le sprint en établissant des records du monde difficiles à améliorer sur 100 m (9.69) et surtout sur 200 m (19.30). «C'est bien que quelqu'un vienne fixer de nouvelles limites, estime cependant Lamine Diack, le président de la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF). Cela veut dire que nous ne sommes pas au bout de l'aventure humaine. C'est ça le lot dans notre sport.» Eclipsé par la natation et la gymnastique, dont les finales avaient été déplacées le matin aux Jeux de Pékin pour faire plaisir aux médias américains, écorné par les nombreuses affaires de dopage, l'athlétisme retrouve le sourire. En priant que Bolt ne soit pas une nouvelle supercherie ou une embellie sans lendemain.