Une sortie attendue par tous les mordus des sprints qui souhaitent découvrir qui est vraiment le maître à bord de ces épreuves intenses. Scénario idéal pour alimenter les interrogations et entretenir le suspense, le Jamaïcain Usain Bolt et l'Américain Tyson Gay, les deux sprinteurs en vogue, ne s'affronteront pas avant les Championnats du monde d'athlétisme, à la mi-août à Berlin. Les deux cracks seront bien à Londres, dans deux semaines, mais sur des distances différentes. Alors que le Bolt s'alignera sur 100m, Gay courra le 200m. C'est donc au Stade olympique de la capitale allemande, chargé d'histoire, que tombera le verdict de la piste pour libérer le monde de cette «insupportable» interrogation: qui est le plus fort? Bolt, triple champion olympique (100m, 200m, relais 4X100m) et recordman du monde, ou Gay, auréolé des trois titres mondiaux? «C'est déjà une rencontre inédite. On l'attendait aux JO, elle avait avorté, Gay étant blessé», rappelle en préambule l'Italien Carlo Vittori, théoricien du sprint mais aussi entraîneur de Pietro Mennea, ex-détenteur du record du monde du 200 m. «Je suis très curieux de voir comment Bolt va évoluer sous l'effet d'une pression qu'il n'avait pas aux Jeux. A Pékin, il jouait à domicile, avec Asafa Powell qu'il avait domestiqué. C'est sur 100m que Bolt est le plus vulnérable. Il peut rater son accélération initiale. La vitesse est une compétition de tempérament autant, sinon plus, que de capacités physiques», souligne «Il professore». «On n'a pas le droit à l'erreur. Jocelyn Delecour (sprinteur français des années 60) avait comparé cette course brève (100m) au claquement d'un fouet, rappelle M.Vittori. Gay, surtout, a une revanche à prendre après la désillusion des Jeux». «Sur 200m, je ne pense pas qu'il puisse menacer Bolt, qui ne craint personne sur les chronos. Il est capable de courir en 19 secondes sur une course sèche», poursuit le technicien italien. La guerre psychologique a déjà commencé et, de sa voix fluette, Tyson Gay, le sprinteur du Kentucky distille à dose homéopathique sa conviction. «Bolt est un homme, sûr qu'il n'est pas imbattable. Oui, à 100% je peux le battre, même s'il refait 9 sec 69 (le record planétaire de Bolt)», s'en va répétant le pur-sang de Lexington. L'attente se nourrit aussi, autour du «toujours plus vite», sur la morphologie des deux gladiateurs. «Gay a un physique plus aux normes du sprinter» (1,83 m, 78 kg), quand celui de Bolt (1,96 m, 88 kg) est plus improbable, note Carlo Vittori. Et le 3e homme, Asafa Powell? «Il court quand même en 9 sec 88. Mais il me fait penser à un cheval battu, traumatisé par ses défaites dans les grands championnats», conclut l'ex-entraîneur. Et si ce 3e homme était Yohan Blake, compatriote de Bolt et Powell, seulement 19 ans? A Rome, vendredi soir, il a amélioré son record personnel en série puis en finale pour le porter à 9 sec 96.