Le Ramadhan semble mettre doucement en place ses soirées en Kabylie, avec ce programme spécial que s'est tracé la Maison de la culture Mouloud-Mammeri. Les familles qui osent mettre le bout du nez dehors, se retrouvent immanquablement à la Maison de la culture. Ainsi et après le rituel lèche-vitrine et les prières surérogatoires, certaines d'entres elles se retrouvent pour une veillée entre amis et d'autres sont à la Maison de la culture où une liste de chanteurs et artistes est prévue pour ce Ramadhan. Boudjemaâ Agraw, Djamel Allam, Hassen Ahres, Lounis Aït Menguellat, Yasmina, Chaou Abdelkader, Chercham, L'Hadj El Anka, Akli Yahiathene etc. enchanteront les nuits des Tizi Ouzéens. Les villageois qui ne peuvent pas descendre sur Tizi Ouzou n'ont que le loto pour passer leur temps libre. Un local, de préférence isolé, un jeu de loto, des jetons numérotés, un tireur de jetons et la nave va! Même dans les petites villes de l'intérieur, les choses se limitent souvent, quand la salle de cinéma fonctionne, ce qui n'est pas toujours le cas, à quelques films vidéo. Mais cela reste rare et les jeunes gens se rabattent alors sur ces salles louches où des vidéos d'un genre très spécial sont projetées, sans prendre la précaution de contrôler l'âge des téléspectateurs. Ailleurs, c'est carrément la dèche. Le produit culturel n'est tout simplement pas présent. Aussi, les jeunes, dans les villages, se rabattent soit sur des longues parties de football sur les places des villages quand ces dernières sont éclairées ou alors des parties de cartes qui durent souvent jusqu'à des heures indues, quand ce ne sont pas des parties endiablées de cache-cache! Si les adultes sont privés de soirées culturelles, les jeunes gens, eux, semblent ne pas les avoir connues ou si peu! Boussad, un émigré qui a décidé de passer le mois de Ramadhan au pays se rappelle «les Ourars de son enfance lors du mois de Ramadhan et se déclare horrifié par ce vide sidéral des villages et des villes de l'intérieur qui ne pensent pas aux jeunes!» Dans le nord de la France où je travaille et réside, ajoute notre ami Boussad «on a le choix entre la bibliothèque, le cinéma, le café avec les copains ou encore le théâtre et ce, sans compter les fêtes et foires occasionnelles et aussi les jardins publics qui sont un ravissement pour les yeux!». Lakhdar, qui lui, n'a jamais quitté le pays, intervient pour dire que «jamais les soirées n'ont été aussi tristes que cette année, il faut juste espérer que cela soit dû au fait que le Ramadhan ne fait que commencer». De fait, mis à part cette loupiote de la Maison de la culture qui essaie de scintiller, les autres endroits sont «plongés dans le noir le plus total au grand dam des jeunes et des moins jeunes».