Pour leur part, les Nations unies semblent incapables de formuler une position cohérente, outre leur «préoccupation» pour toutes les crises internationales. «Le monde a changé après le 8 août de cette année», lâchait ce week-end à Moscou le président russe, Dmitri Medvedev. Un point de vue qu'aucune nation au monde ne peut écarter, estiment des analystes mettant en exergue le bras de fer Etats-Unis-Russie après la crise géorgienne. La Russie demande une nouvelle structure mondiale «multipolaire» face à la «domination» américaine, les Etats-Unis se disent prêts à lutter partout pour la «démocratie», l'Europe peine à trouver sa propre «unité» entre les deux et l'Asie observe sagement les événements. Dans ce contexte, la Turquie, qui entend jouer un rôle de plus en plus important dans le Caucase, enjeu majeur de la course mondiale aux hydrocarbures, a décidé de saisir ce moment pour entamer des pourparlers avec ses voisins d'Arménie, après un siècle d'inimitié. De leur côté, les Nations unies semblent incapables de formuler une position cohérente, outre leur «préoccupation» pour toutes les crises internationales. Un mois après le début d'un conflit armé de cinq jours entre Moscou et Tbilissi, la crise fait apparaître une lutte opposant la Russie aux Etats-Unis et relance le spectre de la guerre froide. Cette lutte s'est illustrée samedi par une nouvelle passe d'armes entre les deux camps: à Moscou, le président russe a accusé les Etats-Unis de «réarmer» la Géorgie sous couvert d'aide humanitaire, au lendemain de l'arrivée d'un vaisseau amiral américain dans un port géorgien stratégique. Le vice-président américain Dick Cheney a immédiatement répliqué depuis Cernobbio, en Italie, en estimant que le Kremlin «avait commis des actes de guerre» contre la démocratie en Géorgie. Aux yeux de Sergueï Mikheïev, directeur-adjoint du Centre de technologie politique, «ni la Russie, ni les Européens et ni les Américains n'ont actuellement de stratégie d'avenir». «La Russie a beaucoup cédé avec l'effondrement de l'Union soviétique et le Kremlin estime qu'il a parfaitement le droit de revendiquer son influence dans "l'espace post-soviétique"», ajoute-t-il. «Cependant, les Américains considèrent maintenant aussi cet espace comme une "zone d'influence américaine"» et vont y acheminer des moyens considérables, économiques et autres, pour la renforcer, prédit M.Mikheïev. La détermination de Washington à imprimer sa marque politique et économique dans une partie du Caucase s'est illustrée lors de la récente visite de M.Cheney en Asie centrale. En Azerbaïdjan, pays riche en pétrole, le numéro deux américain a fait part de l'«intérêt profond et constant» des Etats-Unis pour la sécurité dans l'ensemble de la région et souhaité un développement du transport des ressources énergétiques à travers le Caucase, via des «couloirs énergétiques» sur lesquels la Russie n'aurait aucun contrôle. Et Washington a clairement mis en doute la «crédibilité» de Moscou. Les événements actuels produisent la même sensation d'inquiétude que celle qui a précédé les deux guerres mondiales au XXe siècle, écrit le rédacteur en chef adjoint du quotidien centriste Vremia Novosteï, Semion Novoproudski, sur le site Internet libéral «gazeta.ru». L'insistance affichée par les Etats-Unis pour déployer des boucliers antimissile près des frontières de la Russie, élargir l'Otan et envoyer des navires de guerre délivrer de l'aide humanitaire en Géorgie ne font qu'accentuer la «militarisation» de Moscou, ajoute-t-il. Un mois après le début du conflit russo-géorgien, estime pour sa part Alexandre Dugin, leader du Mouvement social-politique pan-russe Eurasia, «nous ne sommes qu'au début d'une réelle confrontation entre nous (Russes) et les Américains, peut-être très sérieuse et très dangereuse pour tous».