El-Oued et Biskra ont été les deux grandes haltes du secrétaire général de ce parti. Vendredi dernier, où deux salles combles l'attendaient dans la liesse et l'enthousiasme populaires. Ville bien ancrée dans le Sud présaharien, la wilaya d'El-Oued semblait écrasée par la canicule à notre arrivée. Mais bien que ressentie dans notre chair, notre appréciation du phénomène climatique local a dû en faire sourire plus d'un tant elle paraissait «hors norme» aux habitants de cette ville spécialisée dans le négoce depuis des lustres. Bref, de l'ambiance il y en eut à El-Oued. Chaleur humaine et chaleur tout court se sont traduites en un mélange tellement détonnant que la ville en paraissait toute retournée, comme sortie d'une longue léthargie... active. Pourquoi active? Parce qu'à l'ombre des bâtisses, le climatiseur est roi et grâce à son apport rafraîchissant, l'homme a appris à mieux supporter les grosses chaleurs. Pourtant, des écarts de température peuvent, à tout moment, survenir. Et c'est ce qui advint, mais cette fois dans la salle omnisports du chef-lieu, une salle dépourvue de système d'aération, qui, du niveau plus ou moins supportable de chaleur enregistrée dans la rue, s'est subitement «embrasée», débouchant sur un mélange fait de fournaise suffocante et d'accueil enthousiaste des supporters du parti du FLN, venus par milliers acclamer le secrétaire général, M.Ali Benflis. Fidèle désormais à sa méthode de grand prêtre spécialisé dans les grandes séances de confrontation d'idées et dans la possibilité de pouvoir «arracher» l'adhésion de la minorité d'éventuels hésitants, Ali Benflis, tombant pour la première fois la veste, s'est mis aussitôt à faire dans le prosélytisme moderne, c'est-à-dire le marketing politique estampillé début troisième millénaire. Conséquence, sous son impulsion, la salle, vibrant de toutes ses nervures sous l'intensité des cris de joie et la chape particulièrement stimulante de la chaleur ambiante, devint, c'était prévisible, carrément délirante. Qu'à cela ne tienne! Ali Benflis, pédagogue rompu à la multiplicité des variantes qu'il convient d'adapter au langage local pour se faire comprendre partout en Algérie, s'est mis tout de suite à l'ouvrage. Et aussitôt, le résultat fut là. La tour de Babel baissa les bras comme par enchantement et le silence reprit son droit de cité. Un silence de recueillement que les applaudissements et les «vive le FLN» n'interrompaient qu'au détour d'une phrase ou d'une percutance de langage allant dans le sens attendu par les 6 ou 7000 personnes présentes. Comme à l'accoutumée, Ali Benflis s'est inspiré des «considérants et des fondements du programme» qu'il avait fait adopter par les instances supérieures de son parti au mois d'avril 2002, ne laissant rien au hasard. Même cérémonial à Biskra où, de fil en aiguille, certains citoyens nous ont, en toute urbanité, abordés pour nous expliquer les raisons qui font courir les gens vers le FLN. C'est vrai qu'au début de la campagne en cours, lors donc des premiers meetings liés au scrutin du 30 mai prochain, les rassemblements de population nous avaient paru peu convaincants, tout juste polis parce qu'il s'agissait quand-même du secrétaire général du parti du FLN, mais surtout du Premier ministre de la République, deux casquettes qu'on peut facilement confondre dans une même déférence avec cependant une préférence intime accordée «in petto» au Chef du gouvernement. Eh bien, tout cela est faux, nous étions dans l'erreur dans la mesure où celui qu'on venait écouter pour comprendre les enjeux que représentent les prochaines législatives, c'est bien le secrétaire général du parti. Selon les gens de Biskra, le peuple algérien aura connu trois phases au cours des dix dernières années qui représentent en fait, le temps réel de la crise qui a commencé peu après la grande fracture d'Octobre 1988. Il y a eu «l'enthousiasme» né en faveur de l'ex-FIS pour condamner les pénuries en vigueur depuis plus de 15 ans dans notre pays. C'est la raison qui mobilisa les 3,5 millions de votants sur les 14 millions d'inscrits qui se sont abstenus aux municipales de 1991. La seconde phase s'étendra jusqu'à 1997 qui verra l'amorce d'un retour progressif au calme, un retour qui avait d'ailleurs «autorisé» la puissance publique à parler de «terrorisme résiduel». Et dont certains organes de presse s'étaient gaussés tant leur analyse de la crise était superficielle. C'est, disent-ils non sans conviction, ce qui a permis à la «majorité silencieuse» de sortir de son hibernation décennale pour se poser une première question de savoir à quel saint se vouer. La réponse à cette grande interrogation fut vite trouvée: le FLN! Pourquoi? Parce que le MSP et la constellation des autres partis islamistes, c'est Hadj Moussa et Moussa Hadj... Autrement dit, l'aventure catastrophique pour le pays de la nébuleuse islamiste va, dans peu de temps, rendre l'âme. Tout le monde descend. Pour nos interlocuteurs, à moins d'une provocation venue d'un autre camp, celui par exemple des faux démocrates ou des rêveurs mal en point de l'étiolement précipité de l'Internationale communiste, le temps de l'intégrisme est bel et bien révolu...