On ne prend même pas la peine de déchirer les affiches. La stabilité politique a fait de cette commune un eldorado urbanistique. Rien ne dépasse, rien ne détonne, tout est à sa place et on ne peut qu'apprécier la parfaite symétrie des ruelles et des avenues. Même le tombeau du wali local a bénéficié d'un coup de pinceau. A deux pas de l'APC, sur la terrasse d'un café, les clients tournent le dos aux panneaux d'affichage. On ne prend même pas la peine de les déchirer. Dans cet ordre si peu propre à nos moeurs anarchiques, les bureaux électoraux sont invisibles, introuvables. «Il doit sûrement y en avoir. Vous devriez chercher de ce côté ou de celui-là.». La réponse est floue quels que soient l'âge, le sexe et la fonction de la personne que vous aborderez. Avec quelques variantes. «Voyez près de la mosquée, c'est l'endroit indiqué pour un bureau du MSP ou d'Ennahda», lance intelligemment un jeune qui fait le pied de grue. Rien, l'idée de la mosquée n'était pas aussi pertinente que ça. «Je ne sais pas. Ca ne fait pas longtemps que je suis ici», répond le propriétaire d'un magasin. La population de la commune est passée de 3000 habitants en 1985 à près de 20.000. Le boum, contrairement à ce qu'on pourrait penser, ne fait jaser personne. Tout le monde y trouve son compte. Un vieux personnage, qui a manifestement roulé sa bosse dans les rouages de l'administration, futur habitant de la commune ( son habitation à Baba Hassen est encore en chantier) nous gratifiera d'une leçon de politique: «Vous cherchez des bureaux de parti? A quoi bon! Vous devriez savoir mon p'tit vieux que le seul pouvoir existant en Algérie est le pouvoir exécutif. Y a pas de parti qui tienne ...tu sais qui détient le vrai pouvoir dans ce bled?...» Le reste de son cours, quoique très instructif, ne peut être rapporté dans ces colonnes, en raison des noms qui ne peuvent être mentionnés dans le discours politiquement correct. En désespoir de cause, restent les canaux d'information officiels. Le bureau du Comité politique de surveillance des élections de Baba Hassen, au troisième étage de l'APC, est en ébullition. Les vannes que se lancent les représentants des partis, réunis au sein du comité, sont loin des discours incendiaires et de la tension que suscite la course pour les législatives. On trompe l'ennui. «Des plaintes? bien sûr qu'il y en a», nous répond le principal acteur de cette joyeuse assemblée. La liste des meetings, accrochée au mur du bureau, porte, au stylo bleu, la mention «absent», devant tous ceux programmés jusqu'à ce jour. C'est dû, nous dit-on, à l'exiguïté (le terme est un euphémisme) de la seule salle prévue à cet effet. Le comité fait face aussi à un autre problème de taille: l'indemnisation de ses membres. La somme de 20.000 dinars, prévue initialement, semble ne pas les satisfaire. Des tractations sont en cours. A cela viennent s'ajouter des ennuis mineurs qui, s'ils ne présentent pas d'entraves graves aux fonctions du comité, le dévient de sa mission. «Si on devait compter sur l'APC, il nous faudrait attendre trois jours pour une photocopie. On paye donc de notre poche», nous confie, la voix éraillée, un personnage à l'oeil au beurre noir, avant de s'engluer dans des intrigues politico-administratives. Il en vient même à regretter le départ d'un représentant de l'administration au sein du comité. «Avec une présence administrative, on n'aurait pas eu ce genre d'ennuis.»