Les services secrets néerlandais débusquent deux collaborateurs des renseignements marocains au sein de la police hollandaise. Deux agents secrets, en principe rattachés à l'ambassade du Maroc, sont, dans le feu de cette action aussi spectaculaire qu'inattendue, priés, eux aussi, de quitter le territoire des Pays-Bas. L'information a été livrée par l'hebdomadaire Tel Quel dans le cadre d'une enquête exclusive. Entre Rabat et la capitale néerlandaise, c'est pratiquement le divorce, alors qu'au sein de la communauté marocaine, forte de quelque 350.000 âmes, s'installe une méfiance à tout crin. Et il y a de quoi: des policiers et des responsables politiques d'origine marocaine renseignaient les services de la toute puissante Dged (Direction générale des études et de la documentation), à la tête de laquelle se trouve Yassine Mansouri. La police néerlandaise est infiltrée. Notre confrère Tel Quel retrace le fil des événements. «Nous sommes en 2007, les services néerlandais (Aivd, équivalant de la Dgst marocaine) envoient une note interne à la direction de la police l'informant que deux de ses membres seraient des collaborateurs des renseignements marocains, la Dged en l'occurrence», rapporte dans ses colonnes l'hebdomadaire marocain. Il s'agit de Redouane Lemhaouli et de Mohamed Ziad. Le premier dit «Re est brigadier à Rotterdam. Il est devenu à 38 ans une célébrité locale, connu pour son engagement dans la société civile, notamment auprès des Marocains... Mohamed Ziad, lui, est un enfant de Hay Mottammadi à Casablanca arrivé en Hollande en 1990. Il est préposé bénévole à l'accueil dans un commissariat de quartier de La Haye, depuis moins d'un an», nous apprend le journaliste de Tel Quel. Pourquoi cette affaire a-t-elle pris l'allure d'une bombe? Dans une émission quotidienne de la télévision publique hollandaise, Nova, le scandale éclate au grand jour. Les barbouzeries supposées du tandem Lemhaouli-Ziad sont dévoilées, nous fait savoir l'hebdomadaire marocain. La guigne semble continuer de poursuivre la diplomatie marocaine. Après l'affaire des députés et sénateurs français manipulés par l'ambassadeur du Maroc à Paris (voir L'Expression du 6 octobre), c'est au tour d'une représentation diplomatique du Royaume de faire parler d'elle. Les renseignements marocains semblent être partout. Derrière chaque ressortissant du Royaume chérifien. La paranoïa a l'air de s'être durablement installée en son sein. La confiance ne règne plus. «J'ai décidé de moins fréquenter certains endroits et certaines personnes», avoue Jamel Ryane, militant associatif à Amsterdam, à l'hebdomadaire Tel Quel, puis il ajoute sur une note d'amertume: «On croyait qu'avec l'arrivée de Mohammed VI au pouvoir, le temps des barbouzeries de bas étage était révolu. Ce n'est malheureusement pas le cas. Nous sommes toujours aussi fliqués qu'avant.» L'enquête menée avec minutie et de main de maître par l'hebdomadaire Tel Quel a permis de lever quelques zones d'ombre, une partie du voile sur les activités des diplomates marocains qui, en toute apparence, sont investis de missions d'espionnage et d'infiltration et qui ont mis aussi sous haute surveillance leurs concitoyens. «Flics ou diplomates», le titre de l'enquête de notre confrère est à lui seul révélateur de l'essence même de la diplomatie de Mohammed VI qui ne tient pas à se démarquer d'un système, somme toute, bien huilé, qui garde intact son caractère «policier». L'héritier du trône demeure sur les traces de son défunt père, le souverain Hassan II. Et quand on a du sang bleu qui coule dans les veines, on ne peut démentir le vieil adage: «Bon sang ne saurait mentir».