L'Opep a perdu 595 milliards de dollars. Ce constat contredit la thèse selon laquelle l'Algérie n'est pas ou peu affectée par la crise financière mondiale. Elle nous éclaire, un tant soit peu, sur la décision quelque peu tardive d'instaurer comme il se doit une cellule de veille sous l'oeil vigilant du ministère des Finances qui chapeaute cette opération. La chute des prix du pétrole, qui a suivi les deux dernières réunions des pays membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole, a occasionné un manque à gagner qui se chiffre à 47 milliards de dollars. Même la baisse de la production pétrolière d'un million et demi de barils par jour, décidée le 24 octobre, dans la capitale autrichienne par le cartel, n'a pas suffi pour porter les cours de l'or noir à des niveaux jugés corrects par l'Opep. Avec un dollar fort, la fourchette est située entre 80 et 90 dollars. Parmi les causes qui ont provoqué la chute brutale des prix du pétrole, la crise financière occupe la tête du classement. Nicolas Sarkys, directeur de la revue Pétrole et gaz arabes, le dit sans détour: «La crise financière qui a éclaté aux Etats-Unis, durant l'été 2007, a fini par gangrener l'ensemble du système financier international et l'économie mondiale», commente l'éditorialiste. Nicolas Sarkys, qui a tenté d'expliquer l'effondrement des prix du pétrole, y voit au moins deux causes. La première, ce sont «les hésitations et les divisions des pays membres de l'Opep dans la gestion de la crise». La seconde résiderait dans «les fortes pressions exercées par les Etats-Unis et d'autres pays consommateurs sur l'Opep». La dernière baisse de 1,5 million de barils par jour, décidée par l'Opep, a bruyamment fait réagir le Premier ministre britannique, Gordon Brown, ainsi que l'actuel locataire de la Maison-Blanche, G.W.Bush. «De victimes, comme d'autres pays, de la crise financière internationale, les pays exportateurs de pétrole deviennent des boucs émissaires invités à payer le prix fort des erreurs monumentales commises par d'autres, y compris ceux qui pointent vers eux un doigt accusateur», a fait constater Nicolas Sarkys. L'Algérie, par la voix de son ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, président en exercice de l'Opep, n'a pas hésité à pointer du doigt les spéculateurs qui font la pluie et le beau temps sur le marché du pétrole. Le souverain wahhabite va encore plus loin: «Je crois que le monde subit, maintenant, une guerre secrète, une guerre économique. Vous devez prendre cela en considération ainsi que l'intérêt de la religion et de la patrie, et non pas l'intérêt de quelques individus», avait déclaré, le 25 octobre dernier, le roi Abdallah Ben Abdelaziz, en présence des représentants de la presse saoudienne. Y a-t-il vraiment quelque chose à cacher? Faut-il le dévoiler? Le souverain saoudien soupçonne que la crise financière mondiale ait été provoquée pour mettre à mal les économies des pays du Golfe. De nombreuses banques américaines ont été identifiées comme responsables de la crise par les experts économiques. Elles ont vendu des produits d'emprunt obligataire qui, en principe, étaient garantis par des crédits immobiliers et des polices d'assurances, pour des sommes colossales (plusieurs centaines de millions de dollars). Le résultat a été dramatique. Ces produits n'avaient aucune valeur. La crise des crédits hypothéqués éclatât. La suite, on la connaît. Les effets ravageurs de la crise financière sur les Bourses des pays du Golfe sont décrits comme une «guerre secrète» par le souverain wahhabite. Le système financier algérien, qui ne peut être atteint car il est déconnecté du système financier mondial, cache mal les tares et les paradoxes d'une économie qui veut s'accrocher coûte que coûte à la locomotive de l'économie de marché.