Tout le monde fêtait le grand retour. Dans la matinée d'hier, les étudiants de Bouzaréah ont accueilli leurs camarades libérés, à la suite de la grâce prononcée par M.Bouteflika, en leur faveur. Youyous, fleurs offertes, embrassades, jeunes filles en robes kabyles... Tout le monde fêtait le grand retour. Mais cette atmosphère de joie avait quelques relents de «mouvement citoyen» de Kabylie. Car même après l'heureux dénouement de l'épisode des 18 détenus, l'ambiance reste légèrement soufrée d'où un dispositif sécuritaire relativement discret qui surveillait l'enceinte universitaire. Et pour cause, une marche, pour rappel, avait été prévue par le Comité des étudiants pour la libération des détenus (Celd), dont l'itinéraire désigné était Bouzaréah-Palais du gouvernement. A l'entrée de l'université de Bouzaréah, une permanence du Celd a été ouverte. Elle a affiché sur certains murs des banderoles pro-ârchs : «Ulac smah ulac, le combat continue, libérez les détenus». Durant toute une semaine, cette permanence avait servi de cellule de crise et de communication pour suivre le procès des étudiants arrêtés. Quelques étudiants y avaient même entamé une grève de la faim. Kamel, étudiant et membre du Celd, nous dit: «Après la libération des détenus et à la suite d'une réunion avec le recteur de l'université, M.Hadjar, nous avons décidé d'annuler la marche. Aujourd'hui c'est la fête!» Par ailleurs, les étudiants saluent la clairvoyance du Président de la République qui, par son geste généreux, a su déjouer les manoeuvres de ceux qui veulent embraser l'université. A l'université de Bouzaréah, le programme des examens sera respecté. D'ailleurs, les étudiants se sont toujours défendus de vouloir entraver d'une quelconque façon leur bon déroulement et ont plutôt parlé de «sensibilisation et d'interpellation des consciences». Seulement, pourquoi cette libération, bien que très bien accueillie, a-t-elle un goût d'inachevé? Un étudiant, venu de Tizi Ouzou, nous répond: «Aujourd'hui, après la libération de nos camarades, nous sommes fous de joie. Mais notre combat ne va pas s'arrêter là. Nous lutterons jusqu'à la libération de tous les détenus.» A l'image d'autres étudiants ayant un pied dans le mouvement citoyen de Kabylie, cet universitaire et d'autres de Tizi Ouzou disent soutenir la Kabylie où un délégué a été incarcéré il y a moins d'une semaine de cela. Ce dernier pourrait écoper d'une peine allant de six à dix-huit mois. «Notre programme d'action a été entamé et il ne va s'arrêter qu'après la libération de tous les détenus», poursuit un collectif d'étudiants qui a appelé auparavant, à Tizi Ouzou, à une occupation de la voie publique et à l'observation d'une grève de la faim de 48h (dimanche dernier) en solidarité avec tous les détenus du mouvement citoyen, notamment les étudiants incarcérés. Ce même groupe d'étudiants démocrates de l'université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou déclare: «Fidèles à nos engagements de lutte et partie prenante du mouvement citoyen de Kabylie, nous tenons à exprimer notre solidarité avec tous les détenus du mouvement citoyen ainsi que leurs familles et réitérons notre totale disponibilité à oeuvrer jusqu'à leur libération inconditionnelle sans poursuite judiciaire et avec la levée de toutes les sanctions.» Le Cnes et la fondation Matoub ont été solidaires avec des étudiants en dénonçant l'atteinte à la franchise universitaire. L'élan de solidarité s'est également exprimé à travers des communiqués parvenant de Djelfa, Blida, Tiaret, Sétif et Boumerdès. Les étudiants, pour leur part, remercient Me Hanoun qui les a beaucoup aidés, Mme Fatima Ouzeguène qui a toujours milité pour les droits de l'Homme, ainsi que tout le collectif d'avocats, les partis politiques et la presse qui les ont soutenus.