La main-d'oeuvre vieillissante en Europe ne fléchit pas les décisions de l'UE. Près d'un millier de demandes d'asile en terre algérienne ont été déposées, la plupart par des ressortissants africains et, se trouvent actuellement en attente de traitement depuis 2006. Seuls 150 certificats de réfugiés ont été satisfaits depuis 1990, selon le Centre international pour le développement des peuples (Cisp), une organisation non gouvernementale qui active en Algérie. Ce ne sont là que des chiffres maigres, froids, certainement en deçà de la réalité, qui ne traduisent pas, ni ne peuvent le faire, la détresse, la malvie, les guerres, la pauvreté, la «hogra»...qui poussent les jeunes à quitter leur pays. Dans le programme de son action de proximité, le Cisp a organisé, hier à Alger, un atelier de réflexion au siège du Haut commissariat aux réfugiés (HCR). Etaient notamment présents, la presse, des sociologues et un journaliste d'El Watan, accusé de «passeur» qui a vécu une expérience unique sur le terrain, celle d'un migrant subsaharien irrégulier qui a réussi son intégration en Algérie. L'immigration des Algériens a été également évoquée. Un débat riche s'est installé après la projection d'un documentaire, Le piège, et d'un film fiction, Visa pour la mort. Les deux projections illustrent la tragédie de la migration africaine en général, et algérienne en particulier. Elles ont permis aux participants à cet atelier de poser moult questions sur ce phénomène qui embrasse toute la société algérienne. Par ailleurs, si les feux de la rampe sont braqués sur les harraga que l'on sauve de la mort en mer, arrête, et traduit en justice, qu'en est-il de ceux qui partent dans la régularité (visas) et le confort (argent) pour ne plus revenir? Combien sont-ils? nul ne le sait. Ils ne sont ni «condamnables» ni sujets à arrestation... Il faut admettre que c'est là un phénomène qui ronge tous les pays sous-développés appelés jadis le Tiers-Monde et toujours ignoré par le monde des riches. Un intervenant a fait clairement apparaître l'hypocrisie des attitudes outre méditerranéennes alors que l'Italie et l'Espagne ont besoin d'urgence d'une main-d'oeuvre jeune pour remplacer une population vieillissante aux commandes d'une économie qui se meurt. Le phénomène, explique un sociologue au fait du problème, est le résultat d'une excroissance d'une maladie socio-économique et politique en Europe. Au vu des prémices d'une récession qui ne dit pas (encore) son nom, les problèmes de fiscalité, de charges...les industriels et employeurs s'évertuent aujourd'hui à puiser de la main-d'oeuvre dans l'informel, un gisement humain non-revendicatif ni exigeant pour un sou. Certains ont rappelé les dernières mesures de l'UE dénonçant les tentatives de régularisation des émigrés en Espagne et en Italie. Interrogée par L'Expression sur le nombre de migrants illégaux arrêtés en Algérie, Mme Emmanuelle Mitte, chargée de protection au sein du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (Unhcr) à Alger, a indiqué que «leur nombre varie d'un mois à l'autre pour atteindre une moyenne de dix mensuellement, car expliquera-t-elle, l'Unhcr n'est pas systématiquement informé sauf pour les cas extrêmes. Les migrants en fausse situation, reconduits aux frontières sont au nombre de 5 en moyenne» précisera Mme Mitte. Elle ajoutera que «le HCR délivre des certificats de réfugiés dont les autorités policières algériennes ignorent la valeur et la validité».Les témoignages filmés sont poignants. 14 ans sur les routes pour l'un, 17 ans dans une ville du Sud algérien avant d'être expulsé pour un autre...Les récentes condamnations de harraga en Algérie ont fait dire à un intervenant que «les pouvoirs publics n'ont pas compris qu'un harrag est un SOS, qu'il faut l'aider avant le suicide». Cet atelier, ont conclu les organisateurs, ne peut qu'apporter des éclairages nouveaux sur le phénomène de la part des experts, des intellectuels, des penseurs, des journalistes...