Un gouvernement, politiquement moderne et homogène, est à même de constituer un facteur de stabilité. Aujourd'hui, les Algériens ont rendez-vous avec les élections législatives les plus controversées de l'histoire de l'Algérie indépendante. Elles constituent un tournant important dans la configuration du paysage politique national. En effet, l'équilibre des forces présentes jusqu'à ce jour au sein de l'Assemblée populaire nationale est définitivement rompu du fait de la défection de deux formations qui soutiennent le boycott des urnes, le FFS et le RCD. Il est évident que l'absence de ces partis constitue un élément important qui conduira à une nouvelle configuration parlementaire où islamistes, nationalistes, trotskistes et libéraux vont constituer l'essentiel de l'ossature de la future APN. Plus encore, les scores électoraux des différentes forces politiques en campagne décideront des nouveaux rapports de force sur la scène nationale et qui déteindront forcément sur l'orientation du prochain gouvernement. En effet, l'on s'attend à ce que le principal parti au pouvoir, le RND, perde sa suprématie au sein de l'Assemblée, remplacé en cela par un FLN en grande forme. Du côté des islamistes, c'est plutôt Ennahda de Adami qui payera les frais de sa participation à l'actuelle coalition gouvernementale au profit du MRN qui a toutes les chances de revenir par la grande porte dans la prochaine législature. Le MSP, de son côté, ne conservera sans doute pas le nombre de sièges acquis lors des élections législatives de 97, pour la simple raison qu'à cause du double langage de son leader, associé à une présence, pour le moins décevante pour son électorat à l'APN et aux APC, il est bien parti pour perdre quelques sièges que récupérerait la formation de Djaballah. Partant de cette constatation que partage l'ensemble des observateurs de la scène politique nationale, l'on est devant plusieurs scénarios probables quant au prochain gouvernement qui sortira des élections d'aujourd'hui. En effet, même si l'on peut affirmer, sans risque de se tromper, qu'un rééquilibrage important sera de mise au sein du pouvoir législatif, il n'est pas, en revanche, aisé de deviner les scores exacts des différents protagonistes et encore moins les probables alliances qui naîtraient de la nouvelle donne politique nationale. Aussi, l'on peut imaginer que la progression du FLN ne serait pas si significative que cela. Le cas de figure qui consiste à ce que les islamistes, ensemble, prennent la majorité n'est pas à écarter. Une situation inédite et qui déboucherait sur un gouvernement sclérosé qui remettrait en cause toutes les réformes de fond initiées par le chef de l'Etat, les islamistes, ayant fait leur campagne sur le thème du blocage des réformes de l'école et de la justice. Sur le plan économique, c'est la doctrine exclusivement commerciale d'économie de bazar qui l'emporterait sur une démarche rationnelle dirigée vers l'investissement productif. Sur le plan socio-culturel, l'Algérie risque de connaître une régression historique où la société aura à consommer les produits de la sous-culture islamisante du Moyen-Orient. L'autre scénario serait que le parti de Benflis confirme, par la voie des urnes, son retour sur la scène sociale nationale. Le gouvernement qui sortira d'une majorité FLN aura, non seulement les coudées franches pour mener une politique ouverte sur le monde et en synbiose avec la société, mais permettra aux différentes réformes de connaître une issue, du reste salutaire, pour l'avenir de la nation. Pour les deux ans de mandat présidentiel qui restent au chef de l'Etat, il est évident qu'un gouvernement homogène et surtout politique est à même de constituer un facteur de stabilité essentiel pour mener à leur terme les chantiers ouverts par Bouteflika au tout début de son arrivée à la tête de l'Etat. Cela étant, l'avenir immédiat de la République est effectivement entre les mains des électeurs qui décideront, en dernier recours, de la couleur qu'aura la prochaine équipe gouvernementale. Les différents Exécutifs, depuis 97, ont largement montré les limites d'une coalition hybride où les partis n'assument pas leur participation au pouvoir. Le gouvernement Benflis, dans sa configuration actuelle, est en soi une preuve de cette inertie qui fait qu'on ne peut congédier un ministre incompétent sans avoir à faire d'immenses calculs politiciens. Enfin, il est clair qu'au vu de la situation politique en présence et de l'évolution de chaque formation, seul le FLN a réellement fait montre de courage dans sa modernisation. Il mérite d'être au pouvoir. Le sera-t-il? Les électeurs décideront aujourd'hui.